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Je connais gens de toute sorte
| | Je connais gens de toute sorte Philippe Labro Gallimard
| Prix éditeur 18.00 euros
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De ce livre Philippe Labro fait un vrai pari : un talentueux
journaliste, reconnu par ses pairs et par l'ensemble des gens
qui comptent (entendez hommes politiques, �crivains,
cin�astes, acteurs, intellectuels...) peut-il se permettre de jeter
un coup d'oeil en arri�re, et d'offrir � son public des textes d�j�
publi�s, quelques trente ann�es auparavant ? Ce serait
accepter de montrer quelques faiblesses, de se mettre � nu et
de se comprendre une certaine vuln�rabilit�, propre � la
jeunesse des �crits de d�but de carri�re. Ce serait admettre
que l'on est perfectible, que l'on doit se mettre � distance d'un
soi qui piaffe souvent d'orgueil et d'impatience, d'ambition.
Cette d�marche est pr�cis�ment ce qui pla�t dans ce recueil
d'une trentaine de portraits, parus dans Vogue (ann�es 70),
dans Le Point (ann�es 1980), et dans le Monde (ann�es 1990).
D'embl�e, on objectera que mentionner cette succession
chronologique de trois prestigieux m�dias (dont le prestige va
croissant au sein de l'ordre donn�), et ajouter ces postfaces
"apr�s-coup" qui cl�turent chaque article, �te � l'entreprise une
bonne part de son caract�re p�rilleux.
On r�torquera que ces deux points constituent pr�cis�ment tout
l'int�r�t de l'exercice pratiqu� par Labro. Un, montrer que toute
carri�re est vou�e � l'�volution/�l�vation de celui qui y met du
coeur. Deux, que l'on peut prendre, quand le moment est
opportun, de cette distance autocritique qui, bien loin d'amender
quoi que ce soit, n'ajoute que de la vivacit� � l'�criture et � la
description. De l'in�dit.
D'autod�rision, auto-descente et autres flagellations du genre,
Philippe Labro n'abuse pas. Mais il sait reconna�tre les
moments o� il a �t� trop rapide, parmi ces autres qui poss�dent
'du relief' : t�moignages sur le feu de la mort de Kennedy, d�tails
in�dits de ses relations avec Modiano, Melville et Romain Gary ;
pens�es dans l'apr�s Fukuyama et Miterrand. Sans parler de cet
�poustouflant article qui d�peint la solitude d'un trois-quart aile
avant le plaquage...
La subjectivit� litt�raire, �videmment tr�s pr�sente ici, n'enl�ve
rien ou plut�t donne tout � cette enfilade de croquis et de
retrouches discr�tes. Elle contribue pleinement � imprimer la
marque de fabrique personnelle de Philippe Labro, qui livre de
lui autant qu'il para�t livrer sur les autres, et ce au moyen d'un
double acc�s : par la porte de l'imm�diatet�, et par celle de la
r�flexion de l'homme qui avance et n'en finit pas de se
construire, qui se retourne sur les autres, sur lui, et sur ses
�crits avec une sinc�rit� bluffante. J. L. N.
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