Trois jours pour rien G�raldine Maillet Balland

Prix éditeur 18.00 euros

Il y a ce facteur amoureux et mythomane, cette jeune actrice ind�pendante qui vit encore des sous de papa. Et puis ce piteux directeur d�agence qui se croit irr�sistible, cette provinciale � mont�e � � Paris pour r�aliser ses ambitions (devenir secr�taire d�une agence fashion), ce couple de barman presque � la retraite. Enfin le booker qui booke et qui se shoote, une prostitu�e fatigu�e de l��tre, deux p�res qui l�chent leurs familles respectives pour courir apr�s d�improbables pass�s.

Tout �a sur fond d�autoroutes o� certains fuient et o� certains se retrouvent, de d�jeuners d�affaires dans les bistrots du quartier, de podiums o� les mod�les fam�liques tirent la gueule. Le livre n�est pas simplement une compil� de visages aux lourdes et diverses probl�matiques, ni m�me un simple d�fil� de marionnettes perdues ; nous tenons �galement dans ce livre l�expression d�un regard sans complaisance port� sur le milieu de la mode, sur le monde guid� par l�apparence. Voici le regard �acerbe- d�une G�raldine Maillet sans amertume, analyste de certains traits humains, qui en profite pour r�gler au d�tour de portraits parlants quelques comptes personnels.

Et cela donne une galerie de personnages qui se meuvent, en un laps de temps tr�s bref � trois jours, le titre le confirme. Ils se croisent les uns les autres, se croisent et se manquent, ou ne se croisent pas. Peu importe. Car tous seront confront�s � la m�me r�alit� : leur immuabilit�, l�impossibilit� de changer avec le temps et les �v�nements qui les �prouvent. On pourrait presque les r�sumer ainsi : des loosers, plus ou moins conscients de l��tre, et tous effroyablement seuls � � la fois tristes et satisfaits de ce sort.

Le style se veut tranchant, syncop� et rapide : on taillade, on ne s�attarde pas sur les sentiments, pas de d�corticage psychologique. On filme, on shoote, dans la bo�te, ce pourrait �tre un documentaire animalier. Et tous de d�voiler trois jours de leur vie, bien remplis en apparence, bien d�primants... bien vides. Si G�raldine Maillet parvient � nous faire croire qu�il y a de la vie en ses personnages et autour d�eux, ce sera pour mieux nous balancer, quelque peu brutalement, qu�au fond il n�y avait l� que trois jours un peu grotesques, orchestr�s par les effets sp�ciaux qui coulent de sa plume. A la minute pr�s, et nous n�y voyions que du feu.

Un seul personnage parviendra � se tirer d�affaire : confront�e � la mort tout comme les autres (chacun exp�rimente le deuil : une s�ur et une fille, un coll�gue de travail, un mari et une femme, un p�re et un beau-p�re manqu�, etc.), c�est pourtant bien elle qui va tout r�veiller. Claire est un ancien mannequin � la retraire, reconvertie en �crivaine malchanceuse, perdue dans cette vie qui lui correspond peu et compl�tement. Elle adore la m�re de son mari (si si, cela para�t invraisemblable mais c�est vrai !) mais celle-ci meurt d�une tumeur. L�inspiration revient. Quant au succ�s� le livre ne le dit pas. Pudeur, G�raldine Maillet ne va pas tout dire � ce moment pr�cis et unique o� elle parle d�elle�

M�me si en r�alit�, tout le livre parle d�elle, de mani�re bien affich�e quoique d�tourn�e, et c�est l� l�une de ses r�ussites. D�go�t pour la mode et pour les limites humaines, avec son lot de qu�tes de r�solutions familiales et amoureuses. Impossible de faire le tri, de dire qui et quoi, mais on sent le livre vibrer d�une impatiente sinc�rit�, et c�est ce que l�on en gardera.

J. L. N.