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Boutique de vie
| | Boutique de vie Luba Jurgenson Actes Sud
| Prix éditeur 15.00 euros
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Boutique de vie
Il y avait un mur, autrefois. Souvenez-vous ! Il coupait l'Allemagne. Les magasins, derri�re le b�ton, vides et pleins. Il n'y avait rien � acheter, mais des gens, la plupart silencieux, qui faisaient la queue dans le froid. Simples clients, ils remplissaient l'espace de leur histoire, � la fois commune et singuli�re. A d�faut d'�tre approvisionn�es, les boutiques regorgeaient de vies, d�histoires. Un jour, le mur tombe. On conna�t la suite, mais c'est en oubliant trop, parfois, ces survivants qui se souviennent, et ceux qui tentent de reconstruire.
"Le professeur Emmanuel R. acheta un cahier." N'attendez ni intrigue ni rebondissement : Luba Jurgenson nous parle de pages qui n'appartiennent � personne � � tout le monde ? Ils s'appellent Nathan, Veniamin ou Levia, et leurs mots d�filent sur ce papier devenant, peu � peu, symbole du devoir de m�moire. Ils pourraient exposer leur propre vision -douloureuse !- du pass� destructeur, mais une pudeur naturelle les en emp�che. Ils se connaissent et se croisent : cela suffit pour que chacun pr�f�re relater l'histoire de l'autre, le d�tail, l'anecdote qui, quelle que soit la forme, r�v�leront leur alter ego.
"Lorsque Levia regarda autour d'elle, elle vit que tous les fronts �taient coll�s � la vitre. Et comme le train roula encore longtemps, elle eut le temps de se demander si chaque passager avait trouv�, pendant ces brefs instants, son double et son reflet derri�re la vitre du train d'en face." Ce n'est pas en parlant d'eux que les personnages parlent des autres, mais le contraire ; une forme d'humilit� qui les rend attachants.
Ces h�ros �crivent � la troisi�me personne dans ce cahier qu'ils donneront � ceux dont ils viennent de parler et qui, dans un m�me souci de r�miniscence, poursuivront l'aventure collective. Nathan, Veniamin ou Levia passent, se voient et s'offrent, pour que cette histoire d'h�ritage m�ne, en fin de compte, � une galerie de personnages vagabonds, malades, amoureux ou alcooliques ; bref, une "collection d'�mes" toutes bless�es qui se perdent parmi des objets de grenier.
Touchant, l'ensemble de ces chapitres quasi-autonomes laisse n�anmoins une l�g�re impression d'incoh�rence, � se demander si les personnages � la d�rive, si diff�rents, n'oublient pas ce qu'ils ont en commun. Les th�mes transcendantaux, comme le voyage, la mort ou les sentiments, parfois bien exploit�s, peinent parfois � rassembler les individus autour d'axes dynamiques et passionnants. Le style, quant � lui, �pouse la gravit� de ces figures passag�res. A une accumulation de souffrance correspond, malheureusement, une... accumulation de lourdeurs que sauvent, heureusement, les bribes de po�sie l�g�re qui pars�ment le texte.
Ces petites gens sans histoire ne demandent pas grand chose ; ils �voluent au milieu d'antiquit�s poussi�reuses, ce qui, malgr� que l'on tombe des murs, participe � une impression de vide et de mollesse. Comme si, malgr� leurs mots, il ne leur restait sur les l�vres qu'une d�ception, une phrase du style : � l'Est, rien de nouveau. Attendons un �veil, qui ne doit pas �tre bien loin. Ariel Kenig
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