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La guerre
   |   | La guerre Colette Lambrichs La Diff�rence
       | Prix éditeur 12.00 euros
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Article sur Colette Lambrichs, �ditrice et auteur aux �ditions de 
la Diff�rence. Profitons-en donc pour faire un double �loge. Non 
contents de trouver la ligne �ditoriale de la maison 
incroyablement novatrice, audacieuse et toujours originale, on 
ira plus loin : jamais l�un de leurs livres ne nous a paru facile, 
convenu. On peut ne pas accrocher � tous les coups, mais 
infiniment rares seront ceux qui reposeront un des livres de La 
Diff�rence sur l��tag�re avec la sensation d�avoir �t� embobin� 
sur la qualit� du texte.
 
 
Or, avec  La guerre, nous accrochons. Mieux, on l�a 
attrap� un apr�s-midi sur la plage, presque par paresse (le livre 
n�est pas tr�s �pais�) et pour finir on ne l�a pas l�ch� avant la 
derni�re page. Deux heures pleines de concentration et 
quelques coups de soleil � l�arriv�e, mais quelles heures ! Ce 
que l�on ne peut s�emp�cher de remarquer, pour commencer, 
c�est que l�auteur ne d�roge pas aux principes qu�elle a pos� 
"chez elle" quant � la publication des manuscrits. La 
guerre : audacieux et original, pas convenu ; les ingr�dients 
sont au grand complet. Explications.
 
 
N�e � Bruxelles en 1946, Colette Lambrichs habite Paris depuis 
1972. Elle est l�auteur de trois recueils de nouvelles : 
Tableaux noirs, Histoires de la peinture et Doux 
leurres. Nous tenons donc ici son premier roman, roman qui 
va dans la continuit� de ce qu�elle a d�j� montr� ma�triser : le 
texte court. Mais plus qu�un roman, La guerre est une 
sorte de petit conte philosophique. Attention, lorsque l�on parle 
de conte philosophique on n�a que trop tendance � attendre du 
Voltaire au tournant. Un peu de cela, mais autre chose encore. 
Pas de merveilleux ni de h�ros b�at, mais une fable qui se veut 
satire du R�el, et un regard lucide, averti mais impuissant, de 
l�audacieux journaliste qui est son h�ros.
 
 
En quelques coups de pinceaux, nous voil� plong�s aux c�t�s 
d�Urbin Chave (si si, prononcez le �ain� et le �ave�, pas de 
sonorit� l�am�ricaine qui tienne) dans un monde parall�le pris 
dans les mailles d�une dr�le de guerre : une guerre contre le 
sens des mots. Pas surprenant que plus rien ne tienne la route 
dans ces conditions, et que l�on r�alise que l�on a �t� convi�s � 
une esp�ce de "non anniversaire" digne d�Alice au Pays des 
Merveilles ! Urbin Chave va donc, au d�tour du carrefour, d�cider 
de se rendre dans un pays-ville bien �trange, o� aucun des 
codes d�usage ne semblent en vigueur. Pour arriver � Glome ? 
Rien de plus simple : il suffit de ne pas avoir peur de 
s�embourber dans la d�charge g�ante qui y donne acc�s, et de 
ne pas ouvrir des yeux trop ronds une fois arriv�s dans ladite 
ville. Car rien ne serait pire que de passer pour un rebelle, � 
Glome�
 
 
Myst�rieuse Glome, dont les symboles nationaux (le cactus et le 
chameau), le ballon qui vous indique un centre ville imaginaire 
et vous surveille dans vos d�placements, les appartements de 
4 mis�reux m�tres carr�s, la p�nurie d�eau et les discours 
fascisants de leaders �chauff�s ne semblent plus choquer les 
habitants. Urbin Chave ira de surprise en surprise, d�indignation 
en indignation� saura-t-il r�agir ou se laissera-t-il happer par 
Glome, ville carc�rale o� la libert� s�obtient par l�argent, le 
silence et la soumission ? O� tout est tenu secret, jusqu�� ces 
barreaux de prisons physiques et moraux � peine perceptibles 
tant l�habitude gomme le jugement critique ?
 
 
Ci-dessous l�extrait d�une discussion entre Chave et une 
infirmi�re aveugl�e. Si vous n�y percevez pas un peu de 
l�ambiance de Glome�
 
 
"Des gens, par petits groupes, les rejoignent, les d�passent.
 
- Ils vont aussi assister � cette conf�rence sur l�eau ? s�enquiert 
Chave.
 
- Probablement. Elle �t� annonc�e sur les diff�rentes cha�nes 
de t�l�vision.
 
- Ils se d�placent � pied, observe Chave, tr�s attentif � la foule 
qui grossit. A qui appartiennent donc les automobiles parqu�es 
autour du �rest-ocean� ? Par ici, il n�y a personne au volant.
 
- La loi l�interdit.
 
- Mais alors, qui les ach�te et pourquoi ?
 
- Tout un chacun. On a le droit de d�duire le montant de l�achat 
de ses imp�ts, c�est une fa�on d�encourager l�industrie, de cr�er 
des emplois.
 
- J�ai pourtant vu des autoroutes satur�es.
 
- A Glome, il y a un vaste circuit qui communique avec les parcs. 
Les moteurs y tournent � plein r�gime."
 
 
La guerre est bien un conte malin, qui disserte � mots 
couverts sur la manipulation et le pouvoir de l�argent, sur les 
non-sens de notre soci�t� de consommation. Colette 
Lambrichs semble elle-m�me partie en guerre contre la 
molesse et la ti�deur des foules, contre un monde manipul� qui 
n�en a plus conscience et qui a ferm� les yeux. Tout en �vitant la 
moralisation et les d�nonciations cyniques. L�ger et d�sinvolte 
au contraire, ce texte double ainsi la port�e du message qu�il 
contient� il la triple m�me, gr�ce � une chute qui retourne 
compl�tement la fiction. De quoi devenir cingl�, mais le monde 
est d�j� � l�envers, non ?
 
 
 J. L. N. 
 
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