Hongroise Eric Holder Flammarion

Prix éditeur 15.00 euros

Eric Holder, un �tre qui part ? Son obsession pour le bouleversement en douceur des conditions de la vie de tous les jours semble se retrouver dans ce tout dernier roman, intitul� Hongroise. Je vous le donne dans le mille, la nouvelle h�ro�ne, qui n�est pas sans rappeler une certaine Genevi�ve esquiss�e dans La correspondante, vient de Budapest. Elle se pr�nomme V�ra. Eric Holder, un �tre qui aime trop les femmes �tranges et �trang�res ? Eric Holder, un �tre qui aime que ses personnages quittent les cadres trop convenus dans lesquels ils se trouvent confin�s ? Eric Holder, ou un univers que l�on retrouve avec d�lice.

L�univers en question s�ouvre sur la fin, sur l�enterrement, sur une forme de conclusion qui trouvera tout son sens � travers le d�roulement de Hongroise. Eric, narrateur et �crivain de son �tat, se rend aux fun�railles de son ami Claude. L�occasion de se souvenir de la vie peu banale de ce dernier, de dresser de lui, avec une d�licatesse qui n��te rien � la pr�cision, le portrait de ses derni�res ann�es : les incertitudes et les errements, les faiblesses, cette curiosit� presque maladive qui le poussera dans les bras d�un destin semi-tragique, et surtout, dans les bras de V�ra. L��crivain s�efface, et raconte.

Jeune homme bris� par son pass� de soldat dans la guerre d�Alg�rie, Claude soutient brillamment une th�se avant de devenir m�decin � Bordeaux. Un jour, il est appel� au chevet de Viktor Ferenczi, petit et myst�rieux courtier en tableaux, venu de l�Est dont il conserve la nostalgie. P�n�trant la pension Esterhazy o� ce dernier r�side, Claude s��prendra de la Hongrie, d�une Hongroise� Pr�texte � la rencontre plus que pour le traitement d�une maladie s�rieuse, le th�rapeute sera en effet �tre amen� � faire la connaissance des deux filles de l�alit�. Il y a d�abord V�ra, au regard si per�ant, puis sa s�ur Iboyla, dont le visage harmonieux va toucher imm�diatement le jeune homme. Le trio envisagerait-il de former un quatuor� Pr�m�ditation ou pas, la mission r�ussie : Claude s�attache progressivement � ces trois h�ros solitaires, comme lui en exil d�une mani�re de vivre, et va jusqu�� s�installer avec eux et � former des projets d�avenir. Projets qui seront �videmment contrari�s, mais on n�en dira pas davantage.

Ce nouveau roman d�Eric Holder est un petit bijou de fluidit� et de sentiments. De la suggestion d�une complicit� masculine qui forgerait tout �difice social et amoureux (d�abord entre le narrateur et Claude, puis entre Claude et Viktor), en passant par la description de la vie de province que l�on aime et que l�on fuit, toute une gamme de sentiments humain est savamment mise en avant par l�auteur d�cid�ment inspir� par on ne sait quoi. A qui ou � quoi Claude est-il en d�finitive li� ? Pourquoi cet amour semble-t-il impliquer l�abandon d�une vie � ant�rieure � ? Peut-il se passer de l�entourage direct des protagonistes pour s��panouir, que serait-il sans un p�re et d�une s�ur recr�ant fictivement la cellule familiale dont le couple Claude-V�ra a encore besoin ? Pourquoi le bonheur sera-t-il troubl� par l�app�t du gain ?

Un style effac� � l�image de son narrateur, on ne peut plus efficace dans la description tant il d�roule finement les �l�ments du portrait de Claude et tellement suggestif que l�encha�nement de l�histoire d�amour entre le m�decin et sa prot�g�e semble couler de source. Hongroise est � la fois d�licieusement sensuel et empreint de sang-froid : un roman de la rentr�e sur lequel faire l�impasse rel�verait presque de l�incorrection�

Louise de Visscher