Garder Anne Luthaud Verticales

Prix éditeur 15.00 euros

On dit souvent que les premiers romans sont des romans o� l�on s��crit soi-m�me, o� l�on se d�voile pudiquement. Garder n�est pas une auto-biographie, ni un roman d�introspection mais, certainement, l�histoire d�un conteur. Quelqu'un qui, pour vivre, pour pouvoir continuer � aimer, doit savoir garder des histoires et les raconter. Conter pour exister, pour charmer - n�est-ce pas l� une subtile all�gorie de l�art de l��crivain?

Pierre a d�cid� de s�isoler dans un phare pour oublier Louise. Louise est sa bien-aim�e, femme myst�rieuse, obs�dante, dont le souvenir de la mort - la belle Louise meurt engloutie dans des marais jaun�tres - est une pens�e r�currente, �crasante. Pierre doit se d�barrasser de ses histoires, de toutes ses histoires qu�il a accumul�es pendant tant d�ann�es, pour garder l�attention de Louise pour mieux se l�approprier. Tant qu�il ne se sera pas �mancip� de toutes ses histoires il ne pourra pas l�oublier, faire le vide. Alors il �crit inlassablement en se nourrissant de chaque d�tail du paysage marin qui l�environne : quelques bateaux, un rocher, la couleur de la mer.
Mais cet univers clos a une faille - le marchand de bois � lui-m�me nomm� Pierre, qui doit passer r�guli�rement pour alimenter les r�serves du phare. Un jour, le marchand de bois refuse de rentrer � terre, il veut lui aussi, � bouder la vie � sur ce bout de rocher, au plus grand damne du premier propri�taire. Aussi doivent-ils apprendre � cohabiter : deux ermites sur un m�me �lot. Pierre finit par s�attacher � son homonyme, avant que celui-ci ne se d�cide subitement � partir, laissant l�autre comme orphelin, priv� de son compagnon d�infortune. Le narrateur se met alors � la recherche de ce myst�rieux marchand de bois, remontant progressivement le fil trouble d�une tumultueuse histoire sentimentale � si proche de sa propre histoire.

Ce premier roman d�Anne Luthaud a le d�faut de ses qualit�s : il flirte avec l�absurde sans jamais pleinement s�y engager. Parfois, on pense que c�est v�ritablement une histoire sans queue ni t�te puis l�auteur nous ram�ne progressivement vers un semblant de rationalit�. On est un peu perdu, on est sur le point de s�ennuyer et l�histoire rebondit - un �l�ment de l�intrigue nous soulage. Garder est un � roman-�preuve �, un peu poussif au d�but, � l�image de la vie du narrateur, puis remarquablement original et entra�nant lorsque l�intrigue est subitement mise en route.

Benoît Raio de San Lazaro