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D�r�glements
| | D�r�glements Ammar Abdulhamid Sabine Wespieser
| Prix éditeur 19.00 euros
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�a commence par une pr�face �nervante o� le Syrien Ammar
Abdulhamid honore son h�te en l'adoubant d'une d�it� vol�e. On
oserait s'y complaire si derri�re cet amour incompr�hensible ne
pointait pas le doute : ce roman rec�lerait-il un vice cach� ? Ces
lignes se reprochent-elles d'exister ?
Pr�cautions prises, entrent en sc�ne Hassan, Wisam, Nadim et
Kindah, personnages aux obsessions �touff�es. Ils ne se
connaissent pas (ou peu), ne se jugent pas, ne se ressemblent
pas. Ce qui les lie ? Ce qui les s�pare des autres Syriens,
autrement dit leurs doutes sur l'Islam, mais aussi leur d�sir
incompressible d'�tre eux-m�mes. "Ma vie est-elle seulement
conforme � mes id�aux ?".
D�compos�es dans la forme, leurs histoires s'offrent comme
un puzzle impatient d'�tre fini. Une "suite d'�v�nements", une
"pens�e", un "commentaire", un "extrait" ou un "murmure", les
mots s'alignent, bruts de d�coffrage. Comme des morceaux de
chair mis bout � bout, leurs fragments de vie (et de textes) se
recoupent. "Sur le sentier de la vie, la vie cruelle, omnivore",
l'homosexuelle, le jeune �tudiant frustr�, le libre-penseur et la
doctoresse (Wisam, Hassan, Nadim et Kindah) vont se
(re)d�couvrir pour entrer en r�sistance. Ainsi, � la solitude de
chacun succ�de une imbrication d'�tres r�unis pour combattre
l'ennemi : un consensus de masse plus violent que la loi �crite.
Maintenant que s'�changent livres et documents sous le
manteau, la bande des quatre assiste � sa mort civile. Quand
chaque citoyen �pie l'un et condamne l'autre, comment exercer
son droit � la diff�rence ? Continue-t-on d'exister ? Peut-on faire
partie d'un peuple sans en partager l'id�ologie dominante ? Pris
dans l'�tau de familles omnipr�sentes et d'amis oppressants,
les poitrines tremblent et contiennent leurs craintes tant qu'elles
peuvent.
Rien d'autre qu'un livre cruel, engag�, fin et suave. Quatre
conversions qui ne finiront par ne faire qu'une. Un roman dans
lequel rien n'est acquis. Chaque instant est � reconstruire, quitte
� c�toyer l'Enfer. La lutte ne traduit pas un engagement, mais un
devoir divin : "Dieu est mis�ricorde, aussi je n'ai pas peur, et je
n'ai pas honte, et je ne ressens pas le besoin de me repentir".
Un devoir sacr� auquel nous ne devrions pas �chapper.
Ariel Kenig
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