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Une fille gentille
| | Une fille gentille Sylvie Robic PUF
| Prix éditeur 11.00 euros
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G�n�alogie : on ne peut s�emp�cher de penser � Richard Morgi�ve, � l��criture si syncop�e et si �motionnelle.
Car ce premier roman a ceci de remarquable : le style, qui �voque les systoles et diastoles du c�ur. Oui, d�finitivement, si l�on devait donner une bonne marraine f�e � Sylvie Robic, dont la baguette serait couverte d�une encre sombre et pointue, Richard Morgi�ve ferait sans doute partie des pr�tendants au titre.
L�histoire ? comment la raconter sans la vulgariser, ici g�t toute la difficult� de l�affaire. Il serait vain d��voquer sans en dire plus le trio constitu� par la narratrice, Guillaume, et cet �tre � qui l�on s�adresse, ce � Tu � si plein de faiblesses et de fragilit�. On devinera quelques fragments, ici et l� ; une femme qui doute et un dominateur, un homme qui se cherche et un arbitre impitoyable. Une esp�ce de trio en cavale � ou serait-ce un duo m�tamorphos� en trois qui refl�terait toute la schizophr�nie du couple ? En tous cas le miroir d�un amour perdu, qui hante le pr�sent comme il hant� le pass� et la m�moire.
Il y a Guillaume et la narratrice, qui ne peuvent se passer de la pr�sence de ce troisi�me et ent�tant personnage au nom effac�. Pierre, un homme de passage ; la fac et les arr�ts maladie ; les voyages et les vir�es.
Ainsi, plut�t que de parler du caract�re diffus et audacieux de la narration, on pr�f�rera s�attarder sur les circonvolutions saccad�es de l�auteur-narrateur, sur ces �clampsies et ces soubresauts de l��me qui entonnent le refrain d�un conte d�amour � �pisodes �trangl�s.
� On aurait d� s�aimer d�s l�enfance, on aurait �t� voisins, les jardins se touchent, on s�observe longtemps par dessus la haie, un jour enfin nos doigts s�effleurent se m�langent � travers le grillage, ton regard noir est inquisiteur et gentil aussi, adouci par de tr�s longs cils, des cils de fille, ta marraine surtout � chaque visite s�extasie, des gloussements irr�pressibles, une voix de fausset, ses gros doigts veulent atteindre caresser l�ombre �trange duveteuse, tu te d�tournes en silence, tu lui refuses ta joue.
Un amour d�enfance, d�avant le chaos la peur l�incompr�hensible, un amour calme, j�aurais �t�, je te promets, un bon compagnon tu aurais pu avoir confiance. (�)
Je voudrais, c�est ridicule, la pens�e m�en vient m�obs�de sans raison, te dire au milieu de tes larmes, Flaubert, quand meurt sa s�ur qui vient d�avoir un enfant, Flaubert a dix-huit ans juste deux fois ton �ge, au soir de l�enterrement il �crit dans son journal, les craquements du plomb le cercueil trop grand fourr� de force dans la fosse, ce n�est, tu vois, pas une consolation pas un renfort, rien que la violence implacable de sa douleur, je voudrais mais � quoi bon, je sais ce que tu penses, des conneries de tout �a, la litt�rature ne nous aide pas � vivre, d�j� ta voix s��loigne presque inaudible, un chuchotement rauque, tu murmures je suis fatigu�, tu r�p�tes j�ai peur, tu comprends, de finir en h�pital psychiatrique. �
Emma Le Clair
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