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La Mire
| | La Mire Alexandre Lacroix Flammarion
| Prix éditeur 17.00 euros
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La mire t�l�visuelle n'�claire pas. Pire, elle envenime lentement
pour r�signer au silence. Zapping, pub et re-pub, �a "gr�sille" et
les cerveaux bourdonnent. Alexandre Lacroix n'a pas le coeur �
rire : manifeste politique, ce troisi�me roman ne critique pas le
petit �cran : il le hait. "Regarder la t�l�, m�me un soi-disant bon
programme, c'est d'abord accepter une attitude : �tre passif". Le
propos c�toie le surann�. Sans narration, La Mire ne
serait-il qu�un roman de plus dans la lign�e des bouquins No's
(no logo, no pubo, no frico, no porno)? Non, alors parlons-en.
Tout d'abord, le jeune avignonnais est romancier. Faire des
histoires comme celle qui suit. Deux gar�ons, une fille : trois
possibilit�s de r�volte contre "l'�re du vide". Montant une
organisation r�actionnaire, Mathieu, Hanna et Solemar jouent
aux casseurs d'�cran. Tant�t proche des amalgames entre
sexe, violence et vid�o, tant�t exigeant dans la narration, on se
demande si le discours faux-rebel anti-mire ne dessert pas les
personnages. Car Alexandre Lacroix n'est jamais aussi proche
de son talent que lorsqu'il pointe sa plume sur la faiblesse de
ces trois bambins taill�s dans la pierre. Il l'avait laiss�e
appara�tre dans Premi�res Volont�s, il l'avait exploit�e
dans Etre sur terre et ce que j'en retiens : Lacroix garde
comme un tr�sor discret la ma�trise sur ceux qu'il cr�e. "Ce que
nous voulions, c'�tait profiter de notre jeunesse pour prendre un
risque, nous pr�cipiter vers l'avant." Retenue, simplicit�,
exigence.
Plus cin�matographique que les pr�c�dents, ce troisi�me
roman prouve la capacit� de renouvellement de l'auteur.
Traques, plans s�quence, ellipses, tout y passe, tout y bouge,
sans se r�p�ter, et tout s'arr�te, parfois, pour de beaux silences
: " J'ai d�couvert, cette nuit-l�, qu'aucune solidarit� n'est aussi
puissante que celle qui na�t du d�sastre". Avant, il y avait des
histoires fortes et sensibles. Une touchante maladresse �
chercher son chemin. Avant, le grand Alexandre allait construire
un empire.
Maintenant... maintenant... c'est diff�rent. Maintenant, sans avoir
tout perdu pour autant, Lacroix a pris en assurance et en rythme.
La grande machine de guerre roule solidement. La construction
rod�e prend le pas sur le charme de ses premiers pas.
Dommage ? Le boulot d'un �crivain ne se limite pas � recopier
ce qui a plu. Tenter, t�ter, risquer, braver, partir en croisade,
explorer, �clairer : on ne pourrait lui en vouloir d'essayer.
Apparemment lucide, Lacroix sait ce dont il a besoin.
Ariel Kenig
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