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Mademoiselle V.
 | | Mademoiselle V. Emmanuel Laurent La Diff�rence
     | Prix éditeur 19.00 euros
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Emmanuel Laurent n�est pas le premier � essayer de
reconstruire l�histoire de Victorine Meurent. Th�ses ou essais
sur elle, des �crits s'y emploient. Mais un roman !
Mais qui est donc Mademoiselle V. ?
Mod�le contest�e, elle est pr�sente dans de nombreux tableaux
dont certains chefs d��uvre de la deuxi�me partie du XIX�me
si�cle. Contest�e, forc�ment : elle repr�sentait alors la femme
moderne : mince et ind�pendante. Bref, une parfaite couverture
de Elle mais tr�s loin des canons acad�miques de l��poque.
Edouard Manet, charm� par cette modernit�, en fit son mod�le
de pr�dilection. Il l�immortalisa, entre autres, dans l�Olympia
(1863), Le d�jeuner sur l�herbe (1863) ou encore
Le chemin de fer (1872-1873). Alfred Stevens, peintre belge,
moins provocateur et novateur que Manet et, a fortiori, plus
appr�ci� fit de Victorine son mod�le, lui aussi, et sa ma�tresse.
Preuve d'un corps attirant tout ce qui bouge. Ils s'appellent
Offenbach, Verlaine, Zola, C�zanne, Monet, Berthe Morizot, les
joyeux drilles estampill�s XIX�me si�cle de la Butte Montmartre
s'en donnent � coeur joie de se trouver un point commun.
Les petites rues sinueuses comme les grands boulevards
encombr�s voient d�filer presque autant de mod�les que de
blanchisseuses, le premier m�tier �tant (est-il bien sage de le
penser ?) plus constructif, sans doute, que le second... Preuve
en est : ces "corps � peindre" sortent parfois du rang de simples
figurants et � leur tour s�essayent � la r�alisation, y compris
Victorine.
Roman de moeurs ou d'�poque, Mademoiselle V. est � prendre
comme un diptyque :
Premier volet : le journal intime de Victorine, alias M. Laurent, qui
d�voile ses hypoth�tiques probl�mes existentiels. Attention, ne
pas confondre : la notion de journal intime n�est pas celui d�une
Vivi ado mal dans sa peau se demandant comment s�duire son
prof de fran�ais parce qu�il est "trooop craquant". Non, Victorine
est d�j� m�re et se demande si ses talents de peintre sont
r�els. Comme Martine (� la plage, � la montagne...), Victorine
pique-nique avec Edouard (Manet), joue au croquet avec Alfred
(Stevens), pleure Fr�d�ric (Bazille, peintre, ami des futurs
Impressionnistes) avec le "Petit Paul" (Alexis, journaliste et
romancier naturaliste, proche de C�zanne et Zola). Une Victorine
tr�s pr�sente, mais qui restera n�anmoins une des plus
grandes inconnues du monde de la peinture.
Deuxi�me volet : la biographie critique du mod�le. D�cor :
guerre de 1870, p�troleuses, communards. Manet et Stevens
ont des mots durs et ne veulent plus se voir ; Victorine rencontre
Marie qui devient sa meilleure amie et sa ma�tresse... La Butte
Montmartre trouve son "Amour, Gloire et Beaut�". On entrevoit
certaines amiti�s, inimiti�s, �tats d��me, conflits entre courants
de pens�es, de peinture... Tout cela sous un angle
quasi-intimiste mais avec le recul n�cessaire pour que cela
reste une biographie passionnante et de qualit�. Mademoiselle
V. n'apprend pas � �tre sensible � l�art mais comment
appr�cier l�art. Subjectivement et honn�tement.
Ce premier roman �tonne. Cin�aste, Emmanuel Laurent a �crit
et r�alis� de nombreux films (Le Cantique des Cantines,
Saintonge entre deux vignes, L�Homme de
Kennewick), et donne ici des clefs n�cessaires pour aller
plus loin. Un �crivain ne doit-il pas chercher � rendre ses
lecteurs curieux plut�t que de les barber d'un savoir
encyclop�dique ? Cela s'appelle peindre un peu de nos vies.
Sophie de Laboulaye
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