|  |  | D�ferlement du f�minin 
 |  |  | La d�ferlante Anne Colmerauer
 Balland
 
      | Prix éditeur 17.00 euros
 
 | 
 
 La d�ferlante. Il y a dans la force des mots d�Anne Colmerauer 
une puissance particuli�re, le go�t de cr�er la violence et le 
d�cha�nement. La violence, celle de l�h�ro�ne du roman, Lucille. 
Une jeune maman qui trempe lentement dans les d�combres 
de la folie. Autour d�elle un microcosme savoureux de cluedo. Le 
mari Philippe qui cumule une fibre protectrice et des zones 
d�ombre, des fils de mensonges. R�gine ensuite, la copine de 
toujours. Cajoleuse et confidente � souhait, elle sera de celles 
qui peuvent poignarder la chair amie, sans sommation, ni 
transfert psychologique. Un r�le cl� dans le drame plant�. Enfin, 
la m�re de Lucille et Tom son b�b�, comme deux extr�mit�s de 
la cha�ne de la vie, deux parcelles d��nergie, vieillissante et 
galopante, qui essayent d�accompagner le personnage de 
Lucille, se heurtent et se d�battent parfois devant son 
�garement. Il y a les personnages certes, comme corps de 
papier dont les �motions butent contre la r�alit� tronqu�e et 
schizophr�ne de la femme qui donne sa pulsation au r�cit. J�ai 
nomm� Lucille. Celle que le narrateur d�signe souvent 
froidement � la troisi�me personne et dont il s�approprie parfois 
l�identit� en usant du je est une amoureuse de la sculpture. L�Art 
�pouse donc ici une fonction salvatrice. Le dernier rempart 
contre le glissement et l�abandon complet des rep�res. Rien 
des grands discours philosophiques sur la cr�ation et ses 
vertus. Plut�t son injection dans un r�el morbide o� les courses 
des doigts sur l�argile et sur la mati�re tangible pourront donner 
du sens � des jours encag�s dans des d�finitions de la 
normalit�. Lucille est folle mais elle a envie. Lucille est ailleurs 
mais elle s�accroche avec des �clairs outranciers � ce qui reste 
de vie, � ce qui demeure du possible.
 
 Dans l��criture, sans �tre compl�tement sp�cifique, le narrateur 
s�attache au rythme, aux ellipses, � la perception du 
mouvement. Les mots collent � la lente d�t�rioration mentale de 
Lucille. Une descente aux enfers racont�e, d�cortiqu�e avec une 
voracit� et une patience clinicienne. Humainement, il y a des 
rejets sur notre �me de lecteur, une sorte de d�sir de fermer le 
livre pour qu�il ne nous extraie pas sauvagement de nos vies 
bien ordonn�es. Mais le d�sir vient et revient de se shooter � la 
quotidiennet� ravag�e de Lucille. On s�affole de ne pas pouvoir 
se d�tacher d�elle. On lit La d�ferlante comme un puzzle 
en phase d�assemblage dont la finition ne sera pas de celles 
qui nous compl�te et nous apaise. Mais nous d�chire.
 
 A partir de l�, vous dire que l�histoire se d�roule en partie � 
Nancy n�est pas �l�ment crucial d�information. Circulez, y a rien 
� voir du c�t� des faits. Mais les m�faits cruels des mots 
portent, eux, profond�ment, la marque d�un talent prometteur.
 
 Céline Mas 
 
 |  |  |