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Moze
| | Moze Zahia Rahmani Sabine Wespieser
| Prix éditeur 16.00 euros
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Nous vous en avions offert les premi�res pages (� lire dans
la rubrique Extraits), voici quelques mots de plus sur
Moze, de Zahnia Rahami, chez Sabine Wiespeser
Editeur.
Mourir un 11 novembre, il n'y a rien de plus terrible. Surtout en
ayant connu la guerre, surtout quand vous �tes un harki. Moze,
lui, apr�s avoir salu� en 1991 le monument aux morts, se
suicide. Pour le devoir de m�moire, sa fille ne r�habilite pas
seulement ce "soldatmort", mais remonte les m�canismes de
l'horreur, du m�pris et de la tra�trise.
Fran�ais musulmans r�sidant jusqu'en 1962 en Alg�rie, les
harkis, soldats suppl�tifs de l'arm�e, ont toujours couru apr�s
leur identit�. Bannis de France, bannis d'Alg�rie, le massacre
dont ils furent les victimes s'apparenterait aujourd'hui � un
"g�nocide". "On pensait � l'Am�rique, � ses espaces, � l'homme
noir, � sa mis�re, � l'humiliation des Indiens. On vivait dans ces
pens�es-l�. On ne sortait plus. On ne pouvait pas." Fils de
personne, l'oubli en fit des p�res impossibles. "La guerre,
quand les rend, rend des p�res m�chants". Sans concession,
Zahia Rahmani trouve le courage et l'audace d'�tre lucide sur
cette non-relation path�tique : "J'ai voulu le tuer. Je devais le
tuer. Ma m�re a cri� si fort en me voyant que l'arme m'a gliss�
de l'�paule. Le fusil �tait lourd, je suis tomb�e des marches. Je
l'ai tu� ce jour-l�. Je ne l'ai plus jamais aim� vivant." Le tortur�
devient bourreau, et la simplicit� des phrases n'�voque qu'un
"juste" retour des choses. L'apparente banalit� prend corps avec
l'horreur.
L'ann�e de l'Alg�rie pourrait-elle se r�sumer en cette phrase :
"Toute la douceur qui a manqu� � ce pays..." ? Avant de c�l�brer
un territoire, c�l�brons des hommes. Moze, pris dans
l'inhumanit� de sa vie, en oublie d'�tre caress�. On pense la fin
du supplice assez proche, la chaleur de quelques instants
toujours possible, mais le pire motive le pire. Dans une
construction en puzzle, Zahia en appelle � toutes les formes
(documents, dialogues, br�ves, r�cits...), toutes les personnes,
tous les effets. Cela surprend sans nous perdre, et bien
entendu, la transparence de ce travail recomposition n'est pas
gratuit. En effet, alors que l'indicible, par nature, ne peut se dire,
rendre compte de l'approche totale de ses blessures rel�ve
d'une pertinence dans le fond et la forme (dans la litt�rature,
quoi). La tentation du pathos reste contenue, l'impudeur est
exclue, et m�me si les dialogues manquent parfois de vivacit�,
Moze se lit avec respect. La culpabilit� ambiante autour de ces
morts inutiles contamine personnellement. Tous pourris, oui ! Et
pour �viter la complaisance, profil bas pour tout le monde. Le
plus cens� est de rester humble devant le lourd tribut qu'il nous
reste � payer. Ecouter ceux qui ont quelque chose � dire sur ces
soldats morts deux fois. A revenir sur ce livre pareillement.
Ariel Kenig
+ Coup d'oeil sur les premi�res pages...
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