|
|
Quinze au balcon
| | Quinze au balcon Alain Ade Buchet-Chastel
| Prix éditeur 13.00 euros
|
Les histoires de seins, par convention masculine, se r�sument
souvent � des histoires de bonnets. Quand nous, les hommes,
sommes las de nous mesurer entre nous, nous pinaillons sur
les quelques centim�tres, de plus ou de moins, des seins de
nos proies. Ignares en mati�re d'esth�tisme primitif (les V�nus
jadis idol�tr�es ne manquaient pas de capiton), nous lorgnons
sur le 90-60-90, num�ro tristement plus court que le t�l�phone
d'une ma�tresse. Plus volubile qu'un sportif dans un vestiaire,
Alain Ade, plus aimant, sans doute, entreprend en quinze
nouvelles un tour mondial de la poitrine.
Dans un roman, la description du sein est le marronnier des
sc�nes de sexe. On a droit au galbe, � son degr� de fermet�,
aux r�miniscences maternelles que l'auteur s'invente.
Cependant, si le sexe masculin peut se targuer d'aventures plus
construites (Moi et lui, d'Alberto Moravia), le sein n'avait
pas gagn� ses galons de H�ros dans la litt�rature safe sex.
Peut-�tre que le dessus de la ceinture inspire moins (Macha
M�ryl ne vient-elle pas de sortir la navrante histoire de son sexe
?). Objet �rotique, le sein n'a pas pour autant, de mani�re
isol�e, de valeur "pornographique". Il ne transgresse pas, ce qui
en fait un sujet litt�raire d'autant plus difficile � traiter. Ainsi, et
pour animer le sujet, Alain Ade aborde toutes les races, toutes
les cat�gories sociales et tous les �ges. Tous les sexes,
voudrait-on dire, tant l'�tude (restant toutefois tr�s �crite) se pla�t
� donner une photo de l'�tat du mamelle au XX �me si�cle
(oublie-t-il que les hommes, eux aussi, ont des t�tons ?).
La joie du pass� est vive : "Les m�thodes pour en obtenir de
plus gros ont perdu de leur innocence coquine." Toutefois, "les
hommes aimeront toujours les seins", et l'auteur se garde de
d�plorer syst�matiquement les poitrines modernes. Tout juste
se laisse-t-il tenter par une objectivit� bancale : "Sur le d�sir de
gros seins, rien � dire. Sur la silicone, c'est souvent rat�." On
doit l'exergue � Godard, tandis que le dernier paragraphe, subtil
et Cap d'Aguien, cligne de l'oeil � Houellebecq. On aura compris
l'h�sitation d�lib�r�e d'Alain Ade entre la po�tique maximale et
le "naturalisme" ethnologique post-moderne. "Parfois je pense
que le mont Fuji est un sein immense qui veille sur le Japon,
pr�t � le nourrir au lait enneig� de son ar�ole enneig�e, un
paradoxe dans cette platitude infinie de Honshu, l'image
invers�e des sentiments que g�n�ra pour toi notre br�ve
histoire : difficile � gravir, facile � redescendre". Et le m�me
auteur de signer : "A part ses gros seins, je n'avais rien
remarqu� de particulier dans le comportement de Sabine." Cela
s'appelle avoir lu un peu de tout. Et le plus sympa, avec Ade,
c'est que l'on sent cette joie d'�crire "N'emp�che qu'il me trotte
encore dans la t�te que, petit gar�on, j'ai pu croire que ma tante
avait trois seins." Avec coeur et g�n�rosit�, ces nouvelles
n'h�sitent pas � nous faire partager de beaux �mois devant des
petits � la Gainsbourg et des plus gros � la Lolo.
Ariel Kenig
| | |