Cr�ances douteuses Patrick Tudoret La Table Ronde

Prix éditeur 16.00 euros

Contentons-nous de l�appeler Pierre. Le personnage principal du dernier roman de Patrick Tudoret Cr�ances douteuses est un homme d�affaires, un de ceux qui m�nent des combats parcellaires contre des concurrents. Sa fonction : communiquer pour le compte d�une banque du Levant dont le nom aurait pu volontiers teinter le bonhomme d�amours asiatiques. Au lieu de cela, un gaillard dipl�m� de Sciences Po, un homme � l�ambition rocailleuse et � la flamboyance sporadique. Exercice instructif : faire de la banque du Levant une identit� de marque, un de ces labels cens�s habiller les formes commerciales dans un univers consum�riste que l��motion fait rempiler et babiller au fil des spots publicitaires. Hommes de coup et non homme de r�flexion, Pierre est homme amoureux. On pourrait m�me dire que le c�ur du roman est l�, tapi dans cet interstice fragile, entre les fissures sentimentales et les foss�s r�alistes du monde de la banque. Katia, elle, est la femme aim�e, le d�tournement fait corps, celle qui emporte brutalement les certitudes de la mat�rialit� pour laisser affleurer la chair, le c�ur qui saigne et tout le tralala des histoires d�amour.

De ces ferments de r�cit, on aurait pu faire un grand roman stendhalien o� l�ambition bafoue l�amour en d�cha�nant la souffrance d��tres scind�s. Roman de tension et de plaisir, simultan�ment. Patrick Tudoret, lui, a choisi de d�crire, de raconter. D�o� le style volontairement glac�, regorgeant de d�tails fonctionnels, nourri de joutes entre banquiers qui se mordent et s�ab�ment dans la noirceur de leurs compromissions. Cr�ances douteuses peint le labyrinthe de ces affrontements humains qui font s�entrechoquer les pr�tentions tandis qu�ils r�duisent � n�ant toute forme d�apaisement, toute pause moelleuse. Une escapade solaire. Pas courb�s sur leurs renoncements, ne passant jamais la main avant l�heure, les personnages de Patrick Tudoret contrastent avec Pierre dans sa persistance, incroyablement belle, � aimer Katia et � la consacrer.

Voil� pour l�essentiel. Essentiel de l�intrigue, essentiel de ce qu�il y a � dire. Cr�ances douteuses remplit un contrat : comme les personnages qu�il porte, le roman explique, laisse voir et deviner, constate. Mais � aucun moment, il ne percute, d�chire ou contraint � s�interrompre dans le trouble ou l��tonnement. On le lit comme un verre peu savour�, verre de circonstance, agr�able mais jamais d�cisif. Un rendez-vous manqu� pour ceux qui cherchent � lire comme ils cherchent � ch�rir : avec l�empressement excessif de l�enfance.

Céline Mas