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L'ennemi des fourmis
| | L'ennemi des fourmis Stephan Valentin Actes Sud
| Prix éditeur 13.00 euros
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Roman traduit de l�allemand par Olivier Mannoni
� Il est l�ennemi des fourmis, mais s�en prend aussi au chat, crache sur sa grand-m�re, br�le des escargots vivants, distribue des coups...�. Ce petit �tre attachant se nomme Jonas, un jeune citadin en vacances � la campagne, lieu qu�il abhorre. Log� chez sa d�testable grand-m�re, Jonas ne peut qu��tre odieux lorsqu�il la croise dans le couloir. Mais le poids des ann�es ne semble pas affecter la vieille qui lui glisse, � l�occasion, des petits mots sucr�s tel que � sale petit b�tard �. Car c�en est un �videmment. Il n�a jamais connu papa. Normal, celui-ci � fait tellement de voyages�, d�apr�s sa m�re. Quant � elle, elle attend un enfant d�un des nombreux � oncles � qu�elle a assign� � son fils depuis sa naissance.
Jonas est haineux, d�testable, capricieux, mais avant tout tr�s malheureux. Sa m�re l�efface d�s que de la testost�rone r�de dans les environs et il n�aime pas les enfants de son �ge. Il parle dans un langage cru, n�h�sitant pas � traiter les gens de �couilles molles � et � parler de sa ma�tresse d��cole en ces termes : � Tu te retrouves couch�e par terre. Dans ta merde, Monika. Quelque chose d�gouline de ton ventre � travers ta couenne grasse. La fl�che (qu�il lui envoie en r�ve) y est fich�e profond. Je ne la brise pas. Je l�arrache et du venin vert me jaillit au visage. Sang de sorci�re. Une flaque sur le sol de la classe. Enfin elle ferme sa foutue gueule. � Mais Jonas n'en reste pas moins pragmatique. Lorsque sa m�re lui montre un champ de pommes de terre lors d�une promenade, il pense � je crois qu�elle m�� racont� un bobard, parce que les pommes de terre ne peuvent pas � la fois fleurir et cuire dans la casserole �. De toutes mani�res, � c�est comme �a que commencent les mensonges des adultes. Ils racontent des salades qui les arrangent et ils s�imaginent que nous sommes assez b�tes pour avaler le morceau �. Un adulte au fond, c�est aussi con qu�une vache, � �a fait du lait et des hamburger �.
Si Maman si...
�dipien splendide, Jonas aime sa m�re plus que tout au monde. Il ne supporte pas que des hommes la regardent, lui parlent, ou pire, la touchent. Un homme lui sourit ? Jonas r�plique � je te pisse � la raie �. Il aime les moments privil�gi�s qu�ils ont ensemble. Lorsqu�elle le l�ve du lit et lui fait des mamours. Lorsqu�elle joue avec lui dans le couloir pour l�attraper et qu�elle fait semblant de courir moins vite que lui. Lorsqu�elle lui fait ce qu�il aime � manger... Il adore lui faire plaisir. Lui faire des massages, �a le fait m�me � se dresser �. Mais chut ! Il ne dit rien car il aimerait passer tous les moments de sa vie avec elle. Cependant, elle oublie vite son petit d�s qu�un homme s�approche. Elle n�h�site plus, alors, � l�envoyer donner � manger � la grand-m�re hargneuse, � l�envoyer jouer seul dans la cour, ou encore, � le d�poser au lac du coin pour qu�il s�y fasse des amis alors qu�il sait � peine nager !
Rousseau le pensait d�j�. Les hommes ne sont pas mauvais par nature : ils le deviennent en subissant leur destin. C�est le cas de Jonas. Personne ne l�aime r�ellement. Sa jeunesse le sait, et �a le rend aigri. Il ne croit en rien, surtout pas en la religion, car pour lui, � se confesser c�est d�bile �. L�ennemi des fourmis, au fond, est un enfant avec une vision de la vie � la fois simple et raisonn�e : il � emmerde tout le monde � parce que tout le monde l�emmerde.
Carine Pigny
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