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Quand on aime son bourreau
| | Quand on aime son bourreau James Lewis Balland
| Prix éditeur 21.00 euros
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Caroline Harrison. Avec un nom pareil, l�h�ro�ne du nouveau roman de James Lewis Quand on aime son bourreau aurait pu finir sur les planches. Starlette reconnue, artiste flambante et flamb�e, Caroline n�a pas choisi le destin sombre qui est le sien.
Quand on aime son bourreau est un d�abord un roman sur l�Am�rique. L�Am�rique sous toutes ses facettes. L�Am�rique cendreuse, le continent immense dont les terres et les univers offrent � chacun la possibilit� de construire "autre chose". L�Am�rique �trange avec ce micmac d�individualit�s o� le pire flirte avec le beau. Kerouac revisit�. C�est ainsi que l�on pourrait relire le roman de James Lewis. Une qu�te dont l�issue nous �chappe et qui commence � Sugartown. Eden View, un foyer dont le nom trompeur nous aurait plut�t laiss� esp�rer les tendres volutes du paradis. Dans cet univers underground, �trange et d�form�, Caroline se rem�more un pass� douloureux. Une perte d�amour, un meurtre. C�est radical et �a lui tranche le c�ur.
Elle cherche � oublier ou � s�en extraire. Elle s�y bute avec obstination. Cruellement. Les rencontres de Billy et de Bonnie, autant de corps dont les paroles purgent le mal ou l�aiguisent sans complaisance. Pour s�en sortir, il y aura la fuite et l�arriv�e � New-York avant que le Nord du pays ne fasse attendre un appel plus insistant.
On aime chez Lewis cette d�ambulation h�rit�e du movie Road. Une capacit� �tonnante � explorer sans rel�che qui compense avec le sentiment de laisser-aller, laisser-vivre, laisser-passer. Tumultueuse et mutique � la fois, Caroline pr�te sa voix au r�cit. Celle qui vivote entre ensevelissement des jours d�avant et obsession pass�iste, livre l�histoire de ses d�sirs inaboutis. Le style d�taill� et pr�cis tranche avec la souplesse narrative. Comme deux cocons qui s�enlaceraient et se superposeraient jusqu�� l�anamorphose. Sans jamais abstraire de leur forme une intensit�. Il y a c�est vrai dans le roman comme l�opposition de deux sph�res : d�un c�t�, les gestes mesur�s de Caroline qui c�toient ses pulsions n�vrotiques et les racontent. De l�autre, l��criture descriptive plac�e dans un monde de l�approximation et de la errance.
Entre les deux et parce que les deux existent c�te � c�te, le mal-�tre du lecteur. L�envie de se d�barrasser fr�n�tiquement de cette vie de brisures et de m�lasse sentimentale, de ces crimes et de ces d�lits. C�est dans le noir que la beaut� jaillit pourtant. C�est aussi dans l�envie d�en finir avec elle que Caroline nous touche, nous rattache et nous retient. Comme si � notre tour, nous h�sitions � lui assener le coup fatal. Et � fermer un roman qui sans d�tonner vaut bien le voyage.
Céline Mas
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