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Human Punk
 | | Human Punk John King Editions de l'Olivier
     | Prix éditeur 22.00 euros
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Et� 1977, Slough (banlieue de Londres), ville nouvelle aux int�r�ts culturels peu prononc�s, r�unit dans son sein toute une g�n�ration de prolos au destin sans surprise. Au milieu ? Une bande de quatre jeunes punks de 15 ans : Joe (le narrateur), Smiles (alias Gary), Dave et Chris. Ils profitent de leur jeunesse tout en r�vant de Londres, de musique punk et de punkettes au regard de braise et aux cheveux de feu. Bagarre, Bi�re et Branlette sont les trois B de leur quotidien. Le bonheur se r�sume � danser sur � Life on Mars� (de Bowie), shoot� au speed, tout en ayant bien cir� ses Doc Martens. Mais la douce prosp�rit� de cette adolescence sloughoise se termine une nuit, quand Welles et sa bande jettent Joe dans le Grand Union Canal et lynchent Smiles. Il tombe dans le coma. Est-ce �a qui a pouss� ce dernier au suicide une dizaine d�ann�es apr�s ? C�est ce que se demande Joe, lorsqu�en 1988, apr�s avoir pass� trois ans � Hong-Kong, il revient � Slough pour y retrouver les m�mes tags � Queen�s park Rangers = guignols �, les m�mes ambitions sous-jacentes de la jeunesse. La m�me vie, �troite, de banlieue londonienne.
Entre graffitis, hippies et punks, cocos et fachos, ouvriers et patrons, Elvis Presley et David Bowie, Human punk n�est pas seulement l�histoire d�une amiti� adolescente, mais une fresque historique des mentalit�s issues du prol�tariat anglais des ann�es 80-90. Par cet opus (suivant son pr�c�dent roman, tr�s remarqu�, La Meute, qui sort aujourd'hui en poche), John King contribue � la mise en place d�une nouvelle litt�rature britannique. Au m�me titre que Jonathan Coe (Testament � l�Anglaise, Bienvenue au club), il est probablement l'un des plus dou�s de sa g�n�ration. Une g�n�ration obs�d�e par les confrontations id�ologico-politiques, la bataille de Orgrave (entre des syndicats de mineurs et la police anglaise), Thatcher et les Malouines.
Avec une acuit� de mise. Le punk, en effet, n�est pas forc�ment un jeune d�charn�, v�tu d'un sac poubelle et se piquant � tous les coins de rue. Ici, le punk humain cligne de l'oeil � la musique, aux badges � God save the Queen � et aux grosses godasses. �Mon punk � moi �tait anti-mode, c��tait une musique de gars du coin, avec des paroles qui nous parlaient de la vie de tous les jours. Dans ma conception du punk, Dr Feelgood et Slade sont plus importants qu�Iggy Pop et les New-York Dolls.� Pas oblig� de conna�tre tout le punk sur le bout des piercings pour s'y retrouver.
Mais plus que cela, Human punk est un roman dr�le et dur, m�lancolique et r�aliste. Les �pop�es londoniennes des jeunes gar�ons sont des fuites en avant. Des occasions d��tre in the move, un peu show-off, et, en passant, de voler une voiture. �Je hausse les �paules, histoire de prouver au mec que je n�ai rien � voir dans le vol de sa ch�re Ford. Que ce n�est pas ma faute si je me suis retrouv� assis � l�arri�re d�une bagnole qu�il a boss� si dur pour se payer, qu�il a d� faire toutes ces heures sup pour entretenir. Que si je suis l� sur le si�ge, c�est par pur accident�. Par pur accident, oui, car Joe et sa g�n�ration sont un accident. Si leur ville nouvelle et d�j� en crise est un vase clos, s'ils connaissent les affres du ch�mage, s'ils ne savent o� aller sinon dans les centres commerciaux, c'est un hasard. On pourrait le croire. Pourtant, de cette histoire et du talent de King, rien n'est fortuit. Joe et sa bande sont le fruit d'un processus �vitable. Et le talent de l'�crivain, lui, d�pend d'une force elle aussi identifiable (mais que King ne fait pas sentir) : le travail, le travail, le travail. Un travail in�vitable pour un r�sultat brillant.
Sophie de Laboulaye
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