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Les Anges br�lent
| | Les Anges br�lent Thibault de Monta�gu Fayard
| Prix éditeur 17.00 euros
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Le XVI�me arrondissement (de Paris) engendre beaucoup de vocations. Hormis le Murat et le Ts� (et encore), il n'y a rien � faire apr�s 22 heures, porte d'Auteuil. Les jeunes gens se dirigent plus au nord, plus � l'est, ou bien restent chez eux. Ils boivent, entre amis, fument des p�tards sur des terrasses donnant sur le grand Paris. Boulevard Suchet, il faudra �tre docteur, avocat ou directeur marketing. Chanteur, acteur ou �crivain pour les plus "rebelles".
Thibault de Montaigu, vingt-quatre ans, fils de quelqu'un au nom c�l�bre dans l'�dition (ne jugeons pas un auteur sur son ascendance), d�crit cette jeunesse des beaux quartiers dans son premier roman, Les Anges br�lent. Remarqu� avant m�me sa sortie, le bien-aim� de Rapha�l Sorin (manitou de l'�curie Fayard) a b�n�fici� de bonnes rumeurs. On a cri� � la nouvelle Sagan version masculine. On a cri� si fort qu'on ne s'est plus entendu crier.
Justin aime Ambre, sa cousine. Ambre, c'est l'essence d'une vie superficielle et l�g�re en Gucci. La soci�t� de consommation a pris le relais des sentiments. Travesti en Brett Easton Ellis fade (et surtout en retard), Montaigu accumule les noms de marques. On soulignera l'originalit� du proc�d� � dans le XVI�me, c'est vrai, le recopiage est une sacr�e transgression. Une petite bande tourne autour de ce couple qui ne se forme pas vraiment. Ils s'agitent, battent des ailes : Constance, Greg ou Guillaume amusent davantage sans pour autant montrer d'�paisseur. Sans contrepoint, l'insipide reste insipide. Pour ne rien dire, � quoi bon �crire ? Pour la vocation, bien s�r. La vocation de tuer l'ennui. "Justin prend alors conscience que les Bisounours ne doivent sans doute jamais crier. C'est peut-�tre en rapport � leur sexualit�." On pallie l'ennui par le rire. Accordons-lui une gr�ce : cela fonctionne une fois sur quatre. Le style un peu plus l�ch�, �a fonctionnerait davantage. Les expressions ("reprendre en main", "se frayer un chemin", "reprendre son souffle") scellent une narration d�j� dense. Dommage, donc, car la gr�ce, parfois, n'est pas si loin : "[Il] se r�fugie sous les arcades et les arcades qui se r�p�tent � l'infini comme si elles avaient peur de s'oublier et il cherche � travers les vitres des caf�s la chaleur, les gens en groupes qui se disent des choses -qu'est-ce qu'ils se racontent ?-, les fum�es et les chocolats chauds et encore ces pr�sences humaines confin�es et raisonnablement heureuses dans un espace certain."
La derni�re fois qu'on a cri� � la Sagan, Lolita Pille publiait Hell (Grasset). C'�tait f�roce, autod�risoire. Un peu court, faussement sulfureux, mais bien calibr�. La petite sorci�re avait �nerv� ("Ce n'est pas de la litt�rature", "Pour qui elle se prend", "C'est du sous-Beigbeder"), mais Pille avait la r�partie des baronnes perch�es sur des talons qu'elle avait m�rit�s. Montaigu ne d�m�rite pas non plus, mais � connaissance �gale sur leurs sujets de pr�dilection (champagne, drague et jeunesse dor�e), Lolita a la gouaille que Thibault cherche. Une �criture, c'est une voix. Thibault la trouvera sans crier. Il signera tr�s vite de beaux romans. Il faut attendre, donc. Qu'il se m�fie : c'est en criant que les Bisounours se font br�ler.
Ariel Kenig
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