#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Lieu et formule selon B�atrice Commeng�

 Et il ne pleut jamais, naturellement
Béatrice Commengé
Gallimard
Prix éditeur
13.00 euros


B�atrice Commeng� est plus qu�une femme de lettres, elle est une femme du lieu et de la formule. Derri�re cette tournure rimbaldienne se cache quelqu�un qu�on ne conna�t pas, ou mal ; on parle si peu d�elle, et encore moins de ses livres. Dommage. Pour elle, et pour nous surtout. L��nigme de son talent provient certainement du mot � roman � inscrit sur la couverture de son nouveau livre . Ce mot est tellement remis en cause depuis l��re du soup�on et le Nouveau Roman que son sens n�est plus �vident. Surtout depuis l�apparition de l�auto-fiction, d�nomination g�n�rique ne voulant plus dire grand-chose : le pr�fixe auto, quand on respecte un tant soi peu l��tymologie grecque, signifie par soi-m�me, en soi-m�me, et s�accorderait donc avec le terme fiction qui devrait �tre une invention romanesque par soi-m�me, sur soi-m�me � la rigueur, ce qu�a fait ind�niablement fait Marcel Proust, au contraire de certaines personnes qui s��crivent et s��crient auteurs dans une hyst�rie m�galomaniaque (alors qu�en toute humilit�, seule l��uvre fait preuve). L��criture de soi, certes, mais y a-t-il de quoi en faire un r�el mouvement litt�raire, car il ne s�agit de rien d�autre que� d�autobiographisme ? Auquel cas il est plus sens� d�appeler de tels textes des r�cits... Bref. La d�signation � roman � plac�e sous le titre semblant une d�cision �ditoriale, nous n�extrapolerons pas sur ce point qui ouvre essentiellement une piste de compr�hension.

B�atrice Commeng� �crit la vie de sa famille, de ses parents, de son p�re plus pr�cis�ment, en �cho avec la vie du fulgurant po�te H�lderlin. Elle �crit ces vies comme des histoires, ou plut�t des fragments d�histoires (� Pi�ce fugitive � peut-on lire en sous-titre d�Alexandrines publi� � La Table Ronde en 1995). C�est comme l�id�e du bonheur, p. 63 : � Et je lui demande, au bout du compte, s�il en a une id�e, lui, du bonheur, au bout de la vie. �Des instants�, me r�pond-il. �Des instants heureux� �. B�atrice Commeng� se trouve � la fronti�re du roman et de l�autobiographie, et son �quilibre est r�fl�chi. Elle est un �crivain qui ne romance pas ou peu, telle une historienne avant tout soucieuse de la r�alit� des autres (p. 131 : � Personne ne le saura jamais. Ce sont les derniers mots parvenus jusqu�� nous, la derni�re phrase interrompue �crite pour nous par Friedrich H�lderlin � madame Suzette Gontard. Les autres, il faut les inventer. �). Au contraire, elle creuse la v�rit� historique avec les mots, par le truchement des dates. La trame du temps permet de tisser l�histoire des vies qu�elle investit comme un site arch�ologique. Il suffit des lire Alexandrines ou Le ciel du voyageur pour s�en convaincre, ainsi que l�excellente biographie d�Henry Miller (publi�e chez Plon, en 1991) qui lui a permis de peindre en filigrane et en parall�le un subtil portrait d�Ana�s Nin, dont elle a traduit presque toute l��uvre.

Pour B�atrice Commeng�, un livre est souvent le confluent de deux th�mes centraux, l�espace et le temps, et de deux vies, voire plus. Le texte rel�ve ainsi du tissage d�existences : elle part sur les traces des autres, et leurs empreintes laiss�es ont souvent la forme de phrases. Ici, l�intertextualit� r�v�le l�enjeu fondamental de son �lan narratif : ne pas �tre seule dans le langage, en respectant ouvertement la force de l�h�ritage litt�raire, chose si rare � notre �poque et si flamboyante dans son int�grit�. Le style de B�atrice Commeng� s�en ressent pleinement : concis, digne, sobre, il touche juste, parce qu�il sonne juste. Elle �crit pour la v�rit� des mots justes, qui seuls peuvent traduire la r�alit� la plus juste, ou du moins s�en rapprocher le plus possible. Car son �criture est un rapprochement : elle rapproche deux �mes en une m�me page et nous rapproche de ceux qu�elle met en mots par la m�me occasion. Leur vie devient une histoire intime, presque l�histoire d�un proche. Se sentir proche, voil� l�enjeu de son �criture comme vision de l�autre, pour voir au travers des yeux de l�autre, pour pr�ter sa vie, sa voix et son temps � l�autre, pour �tre l�autre (� Je veux voir ce que je crois qu� "ils" ont vu � avoue-t-elle dans Le ciel du voyageur). Afin de travailler sa propre vision qui lui fait dire que � le rire [la] m�nera beaucoup plus loin que le vide � (p. 13), le vide de la mort qui envahit peu � peu le cerveau de son p�re.

Chez elle, l�amertume cependant ne gagne jamais. La jubilation du moment v�cu �ternellement comme du pr�sent renouvel�, donc toujours vivant, se montre plus forte, pour notre plus grand bonheur de lecteurs. De ce livre nous sortons la t�te haute, le regard lav� car lev� vers le ciel, o� la m�moire des hommes est aussi changeante que les variations de la lumi�re, tout en demeurant le seul indice de survie clairvoyante dans un monde de brutes o� les b�n�dictions du bon sens se font de plus en plus rares. Comme quoi, on en revient toujours au miracle, celui de l�intelligence comme antidote du malheur.

Richard DALLA ROSA



 
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