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Swift au coeur
 | | Swiftitudes Estelle Lemaître Sabine Wespieser
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"Soudain, un mot fit irruption dans sa t�te : swiftitudes. Il s'imposa comme le titre de son histoire. Swift accompagn� de "-itudes" qui la ramenait aux mots "�tude", "certitude", attitude", "pl�nitude", tous quatre condens�s en un seul et couronn�s du nom de l'illustre �crivain." Le titre sur fond rose, Swiftitudes, ainsi que le sous-titre "De la rapide consolation d'un chagrin d'amour", annoncent davantage un bouquin de "fille en rose � la va-vite" qu'un objet litt�raire. Quid de la quatri�me de couverture ? Un argument commercial terrassant : on y parle, entre guillemets, de "manuel d'ind�pendance � l'usage des jeunes filles". Il suffit de conna�tre les exigences de l'�ditrice Sabine Wiespeser et de croire en un brin d'humour pour ne pas y croire. Ce n'est que le d�but : Swiftitudes, premier roman d'Estelle Lema�tre, fait de l'inattendu une religion textuelle.
Un couple se s�pare. Estelle, la fille largu�e, se console dans les co�ncidences. Faut-il croire aux signes couch�s sur papier ? En piochant dans l'�uvre de Jonathan Swift (auteur principalement connu pour son Voyage de Gulliver), elle lira en filigrane sa propre histoire. Les co�ncidences � propos d'un nom ou d'une situation, les parall�les possibles entre la "grande �uvre" et la vie des "petites gens" font la mati�re, la justification et le rythme de ce roman �l�gant. Va-et-vient incessant entre l'auteur et son personnage, le texte et l'anecdote, le r�el et la fiction, le pass� et le pr�sent, la peinture et la litt�rature, Swiftitudes est un �loge � l'�tonnement, la curiosit� et l'int�gr(al)it�. "Les co�ncidences lui tournaient la t�te, ouvraient ses yeux, ses l�vres, ses oreilles, lui procuraient la divine sensation de l'�tonnement. Elle se laissait volontiers s�duire par l�id�e que d�autres r�alit�s se dissimulaient derri�re ces manifestations ext�rieures si elle �tait pr�te � les voir. La r�alit� �tait en cela comparable � une peinture � l�huile: toute en couches de pigments successives dont la superposition demeure invisible � l��il nu. Les amoureux sont sensibles aux signes les plus infimes: elle �tait tout le temps amoureuse, donc tr�s exerc�e � l�extra-lucidit� et capable d�aller voir jusqu�� la couche la plus maigre pour d�couvrir le dessin originel".
Reste un style fait d'appositions d'adjectifs, de phrases apparemment classiques, bien �tablies, mais n'est-ce pas la meilleure chose, parfois, que d'�crire du neuf de la mani�re la plus ancienne ? Estelle Lema�tre aime le texte, la lecture et le sens de l'amour. Swiftitudes pour aimer la litt�rature. Aimer l'amour. Ariel Kenig
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