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Et mon mal est d�licieux
| | Et mon mal est d�licieux Michel Quint Jo�lle Losfeld
| Prix éditeur 52.00 euros
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C'est � un psychodrame autour d'une tragi-com�die que le narrateur, un certain Max Klein, convie le lecteur, dont le r�cit est rapport�, dans ce roman, par un ancien professeur de lettres, �crivain, �trangement semblable � l'auteur d'un roman d�licieux, un certain Michel Quint.
Th��tre d'ombres et de lumi�res
Pr�sent� dans la sc�ne d'exposition de Et mon mal est d�licieux, le d�but de la Seconde Guerre Mondiale sert de toile de fond � un th��tre d'amour et de hasard que la r�p�tition quotidienne du Cid, tragi-com�die de Corneille, va instituer entre deux jeunes adolescent, protagonistes principaux de leur propre histoire. En cet Avignon du d�but des ann�es 40, Max, fils d'un notable local, et Luz, jeune boh�mienne rappelant la mythique Esm�ralda, se rencontrent chaque soir pour jouer, encore et toujours, les m�mes r�les de Rodrigue et de Chim�ne ; pour entamer, hors sc�ne, un marivaudage cependant de courte dur�e. Mais quand la premi�re rencontre s'apparentera pour Max � une reconnaissance amoureuse imm�diate, instinctive et visc�rale pour sa Chim�ne, Luz sera tr�s vite fascin�e par l'apparition d'un tiers, un beau soir d'�t�, qui aussit�t bouleversera la nature des relations nou�es jusqu'alors. Apparu bri�vement, le myst�rieux G�rard incarne instantan�ment aux yeux de la jeune fille l'�tre id�al dans le souvenir duquel sa vie se d�roulera, fond� sur v�ritable culte, dans la foi de la promesse �mise par l'�tre v�n�r� : revenir en Avignon pour y jouer Le Cid. Le serment fait � Luz par ce jeune inconnu modifie � jamais les destin�es de Max et Luz et constitue le v�ritable commencement du roman, en bouleversant l'intrigue amoureuse jusqu'alors nou�e entre eux deux.
Les hasards de la vie et de cette p�riode trouble et troubl�e entra�neront la disparition du bell�tre mais aussi celles des parents du jeune Max qui, jet� seul dans la vie adolescente, grandit rapidement sous le regard tut�laire des deux principales femmes de sa vie : Luz et sa m�re, Amparo. Mais, plus tard, r�appara�t la figure embl�matique du beau jeune homme avec qui Luz avait jou� Le Cid, dans les pages Th��tre d'un grand journal. Devenu un acteur c�l�bre et adul� par la France enti�re, celui-ci a conquis un nom complet : G�rard Philipe. Quand Max reste en Avignon et vit dans l'ombre de la lumi�re de ses jours et de ses nuits, quand l'amoureux n'a de cesse de graviter autour de cette fille solaire qui illumine sa vie, ses jours, ses nuits, son r�cit, Luz ne vit d�j� plus qu'au travers de G�rard. Meilleur ami, amoureux transi, le gar�on se rendra complice de la folie de sa dulcin�e, allant jusqu'� la conforter dans ses chim�res pour apporter le r�confort n�cessaire aux maux qui la br�lent et la consument. Et l'annonce de la repr�sentation du Cid par G�rard Philipe semble �tre le signe annonciateur du lever du voile qui repose sur le pass� et qui �clairera les sentiments de tous et de chacun.
Sur la sc�ne des sentiments
Le roman de Michel Quint s'apparente � une formidable invitation au voyage dans les sentiments et les passions de ces personnages mais aussi dans la petite et la grande histoire, qui fait les hommes et en constitue l'�toffe. Cette promenade dans les souvenirs d'un vieil homme nous permet de le suivre sur les traces de son pass�, lui permet de nous le faire revivre et de partager avec nous ses �motions, la naissance de ses sentiments, ses petites joies et ses grandes tristesses. Mais elle nous am�ne surtout dans les tr�fonds des personnages, peu nombreux mais �labor�s, tout � la fois solaires et remplis de zones d'ombre.
La structure-m�me du r�cit propose une int�ressante mise en abyme : si le th��tre est l'un des th�mes centraux, le d�coupage du roman rappelle celui d'une pi�ce avec ses sc�nes et ses actes, chacun de ceux-ci �tant annonc� par un retour narratif au vieil homme et � l'�crivain. Chacun de ces interm�des apporte un vrai souffle � l'histoire, lui conf�rant son rythme, lent, doux, agr�able, qui permet de suivre agr�ablement l'intrigue, de s'impr�gner de cette histoire d'amour et de mort que Proper M�rim�e aurait certainement appr�ci�e. La pr�sence de d�cors (peu nombreux) et de retournements de situation (toujours bien amen�s) confortent enfin la lecture de ce roman avec les yeux de la dramaturgie.
Si le contexte historique difficile, omnipr�sent dans la premi�re partie du r�cit, conf�re une dimension tragique au personnage de Max Klein, sans toutefois tomber dans le pathos, l'analyse historique reste sommaire. Les p�rip�ties structurent n�anmoins et insufflent une dynamique � l'histoire et permettent d'entrer en empathie avec Max et le vieil �crivain. Mais l'un des m�rites du roman de Michel Quint est assur�ment de donner envie de relire la pi�ce de Corneille mais aussi de retrouver les auteurs m�diterran�ens tant il fleure bon le Sud, terre de passions et de douleurs, qui se retrouvent ici dans les histoires personnelles des protagonistes et permettent de mieux appr�cier la force de leurs destin�es contrari�es.
Christophe Galod�
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