#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Contretemps

 Contretemps
Fabrice Lardreau
Flammarion
Prix éditeur
18.00 euros

Albert Einstine, obscur chercheur du CRENSH (Centre de Recherche et d'Etudes sur la Nature Humaine), a r�ussi l� o� Hawking, Thorne, Einstein avaient �chou� : cr�er une machine � voyager dans le temps. Sup�rieur aux physiciens, il a fait entrer la cr�ation litt�raire de Wells dans la r�alit� ; admirateur des �crivains, l'id�e lui vient que son innovation technique peut lui permettre d'assouvir une passion faite d'orgueil, de vanit�, de gloire et de fatuit� : devenir l'auteur d'oeuvres qu'il n'a pas �crites. En remontant le temps juste avant la rencontre de James Joyce avec Nora, �tincelle qui participera � l'accouchement du chef d'oeuvre Ulysse, le manipulateur de secondes et de conscience changera le cours du temps et de ce qui s'inscrit dans celui-ci : l'histoire, plus particuli�rement litt�raire. Car, ayant pris un exemplaire du roman avec lui (dans un acte que l'on d�duit de l'intrigue mais que l'auteur oublie �trangement de pr�ciser d�s le premier voyage d'Einstine dans le temps), il pourra appara�tre comme le p�re de lignes qui vont r�volutionner le roman, en lieu et place d'un homme qui, subs�quemment, vivra une tout autre existence. Apr�s la tro�ka des sciences d�j� d�tr�n�e, le h�ros/narrateur/faux auteur affirme, d�s le d�but de son r�cit, �tre � lui seul le triumvirat du roman moderne et prend � parti la masse des lecteurs, vous, pour r�v�ler qu'il est, dans une alliance de verticales, � Joyce/Beckett/C�line �, unit� de sens qui signifie � g�nie litt�raire �. Malheureusement pour la forme du roman, le dispositif sera repris pour des images trop courantes d'une litt�rature contemporaine qui se veut minimaliste, le revendique et tombe dans des banalit�s faciles : pourquoi, apr�s cette triade d'auteurs, Lardreau s'est-il senti oblig� de pr�ciser la nature d'un sandwich � poulet/mayonnaise/cholest�rol � avec le m�me dispositif formel? Dans un roman � l'id�e s�duisante, le style r�serve ainsi de bonnes comme de moins heureuses surprises...

Du roman de la th�orie � une vie d'imposteur

Dans Enqu�tes, Jorge Luis Borg�s imaginait un personnage nomm� Pierre M�nard, qui au vingti�me si�cle, avait consacr� sa vie � la r��criture, ligne � ligne, du Don Quichotte de Cervant�s. Dans un acte de r�flexion th�orique, l'�crivain argentin se pla�ait dans la position du lecteur, face � deux textes formellement identiques et pourtant diff�rents, d�voilant le r�le de qui re�oit dans la d�finition de la nature d'un texte. Dans Contretemps, Fabrice Lardreau fait de son personnage pris entre deux approches du monde, science et imagination litt�raire, un contrefacteur qui, bient�t emp�ch� de retrouver son �poque d'origine, devient dans le cours du roman un personnage picaresque, emmenant le lecteur dans l'histoire de la litt�rature du vingti�me si�cle et dans les m�andres de sa vie amoureuse, sexuelle, mondaine et narcissique. Et se succ�dent deux romans : celui qui promet d'envisager l'acte d'�crire, la manipulation du temps (les voyages dans le temps pour prendre en compte les cons�quences des forfaits sont jubilatoires), le statut de l'auteur, et celui qui narre la vie mondaine et machiav�lique de qui vit dans la R�publique des lettres, se bat pour une r�putation d�j� programm�e, et a l'image d'un auteur - mais n'en est pas. Tel est parfois le danger de vouloir faire roman de la litt�rature : soit abandonner la forme romanesque et mettre en forme des id�es, soit abandonner l'ambition th�orique et s'en tenir � une histoire de personnage qui vit une aventure seulement fond�e sur la litt�rature.

Toutes formes litt�raires pr�sentes...

Car Lardreau exhibe v�ritablement l'ambition d'�tudier la chose litt�raire. Ainsi en est-il du choix d'un personnage �voluant dans le monde de la science pour partir � l'assaut des lettres du si�cle dernier, oxymore vivante de l'appr�hension du monde. Ainsi en est-il des nombreuses formes que prend le roman, adoptant tour � tour l'agencement d'une discussion comme des r�pliques de th��tre ou comme un entretien journalistique. Ainsi en est-il du style oral qui t�moigne de ce que le narrateur m�galomane s'adresse non pas � un lecteur mais � la multitude des � mangeurs de mots �. Un style qui n'�vite cependant pas des formules courantes de l'oralit� contemporaine : on peut �tre charm� par les r�p�titions ruminantes � j'y reviendrai, j'y reviendrai � et �tre d��u de certaines autres formes faciles, d'autant plus amoindries dans leur valeur quand Lardreau �voque le ma�tre du style oral (bient�t spoli� aussi par Einstine) : C�line. Ainsi en est-il enfin des jeux de pronoms, quand le narrateur parle de lui-m�me � la troisi�me personne, avec son identit� patronymique, avec ses pr�te-noms prestigieux, ou � la premi�re personne.

Mais � d'autres moments - et c'est dommage dans un roman, c'est l'auteur Lardreau que l'on entend trop quand des passages entiers sont consacr�s � l'analyse des oeuvres des trois auteurs spoli�s, dans des lignes qui rel�vent plus du cours de litt�rature que de la cr�ation romanesque. Le roman de Fabrice Lardreau donne en tout cas une furieuse envie de (re)lire Joyce, C�line, Beckett, Wells. Et une fois lu, on se dit que Lardreau a eu une id�e g�niale, la plume heureuse parfois mais trop influenc�e par les caricatures contemporaines de style oral. Si l'on pouvait s'attendre � un roman sur la chose litt�raire, on a trouv� un Einstine narrant sa vie dans le pass� et se promenant dans un vingti�me si�cle qui n'a finalement �t� que peu influenc� par sa pr�sence (et si la publication d'Ulysse par lui avait influenc� les gens au point que sa lecture avait emp�ch� m�me certains noms d'�crire par la suite? Et pourquoi Einstine n'a-t-il pas rencontr� C�line dans le cours du roman?), le renvoyant � la vanit� de son projet. Plaisant, prenant parfois, un peu d�cevant � d'autres moments (relativement � l'inventivit� de l'intrigue), Contretemps semble sorti de l'esprit d'un physicien atomiste de l'ann�e 2103. Mais il est bien, pour le meilleur et parfois pour le moins bien, un roman de la France du d�but du XXI�me si�cle.

Olivier Stroh



 
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