Le potentiel �rotique de ma femme David Foenkinos Gallimard

Prix éditeur 13.00 euros

David Foenkinos est un gar�on prudent. Craignant sans doute d'alimenter de fausses rumeurs sur son couple, il a fait mettre sur la couverture de son livre une jaquette pr�cisant � roman non autobiographique �. Son improbable h�ros, en revanche, a la chance d'avoir une femme particuli�rement excitante. Cette derni�re ne savait sans doute pas qu'elle �pousait l'un des �tres les plus allum�s...



A part sa t�te de h�ros, Hector n'a rien d'exceptionnel. Ce sympathique gar�on travaille pour une grosse bo�te, a des parents charmants, un grand fr�re d�vou�, un poisson nomm� Orange M�canique. Mais Hector est surtout un bon fils, qui ne rate jamais la soupe dominicale, pr�par�e de toute �ternit� par une m�re aimante (comme cela se doit) mais totalement ignorante de la v�ritable personnalit� de son cadet (comme cela se doit �galement). Ce fils cache en effet un terrible vice : la passion des collections. Des classiques timbres aux dictons croates, des jouets Kinder aux � bruits � cinq heures du matin �, rien ne lui a �chapp�. Jusqu'au jour o� il perd la finale � du meilleur d�tenteur de badge de campagne �lectorale � contre un Su�dois brun - on ne le r�p�tera jamais assez, toujours se m�fier des Su�dois qui ne sont pas blonds. Apr�s une tentative de suicide rat�e et six mois de d�pression, notre Hector d�cide de d�crocher.
Nous n'en sommes qu'� la page 32 et on se remet � peine de notre dixi�me fou-rire.

Mon vice, ma bataille

Tout drogu� le sait : une d�sintoxication n'est jamais facile. Commen�ant par les habituelles r�unions de Collectionneurs Anonymes, Hector a tr�s vite la bonne id�e de rencontrer la femme de sa vie et de l'�pouser. A ce stade, la gu�rison para�t enfin proche : � priori, on ne peut pas collectionner quelqu'un. A priori. En effet, c'est mal conna�tre l'immense imagination de l'auteur que de penser que le d�lire s'arr�tera l�.
Accumulation de situations toujours plus rocambolesques, galerie de personnages surr�alistes (que dire de cette femme qui d�cide de la cuisson des viandes en t�tant les parties des hommes invit�s ?!), Foenkinos a l'art des formules dont l'humour lapidaire laisse r�veur. Prenez par exemple les r�unions des C. A. : � apr�s, tout le monde s'asseyait (sauf celui qui collectionnait les moments o� il �tait debout) et Marcel menait les d�bats �. Fallait la trouver.
Version 21�me si�cle, Hector est loin d'arriver � la cheville de son illustre homonyme antique. D�nu� d'�paisseur, il est le plus enfantin des personnages qu'il fr�quente. Au fond, except� ses crises de collectionnite aigu�, c'est un gars sans histoire. Qui touche le septi�me ciel quand sa femme nettoie les vitres. R�flexe propre � tous les hommes.

Le trop ne tue pas

Certains d'entre vous ont peut-�tre eu la chance de lire le premier d�lit litt�raire commis par Foenkinos en 2001, Inversion de l'idiotie. L'histoire d'un couple trentenaire en instance de s�paration qui se d�chire pour la garde de Conrad, sympathique Tch�que d'� peine 25 ans, et dont la lubie - a-t-on le droit d'adopter un adulte ? - d�clenche un d�bat � l'�chelle nationale.
Bizarre ? Hilarant, tout simplement.
Vous l'aurez compris, Le Potentiel... exploite ce m�me filon de l'incongru devenu normalit�. A l'heure o� l'on encense l'auto-fiction, o� l'on s'extasie devant des phrases alambiqu�es, David Foenkinos d�tonne dans le paysage, renouant avec une imagination � reine des facult�s �. Son style simple et percutant provoque un rire sans effort, et surtout, sans fausse pudeur. On pense m�me parfois � une version moderne de Jacques le Fataliste, o� les interventions du narrateur dans le r�cits sont autant de traits comiques. Car comment ne pas sourire lorsque, apprenant le pr�nom de la m�re d'Hector, Mireille, on lit : � en �crivant ce pr�nom, on a comme l'impression d'avoir toujours su qu'elle s'appelait Mireille ; tout ce que nous avions appris d'elle relevait terriblement d'une ambiance de Mireille � ?
Les grincheux pourront dire que ce narrateur est trop pr�sent. Que trop de comique tue le comique. Mais ne faut-il pas plut�t se r�jouir qu'un auteur de moins de 30 ans qui n�a pas la r�putation sulfureuse d'une B�n�dicte Martin, l'attraction people d'une Justine Levy ou le s�rieux affich� d'un Olivier Adam puisse avoir sa place dans la litt�rature d'aujourd'hui ? Au diable les pr�jug�s voulant que le beau soit dans le drame. Le bon vit tr�s bien dans un livre dr�le. Lisez Le Potentiel �rotique de ma femme : vous ne verrez plus une �ponge de la m�me fa�on.

Ma�a Gabily