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La Nuit en plein jour
 | | La Nuit en plein jour Sophie Aubry Desmaret
     | Prix éditeur 16.00 euros
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Un premier roman est une promesse, et � la lecture de l�ouvrage, il nous est permis d�esp�rer. Sophie Aubry est non seulement com�dienne, mais aussi �crivain, et c�est dans un d�dale de chambres sans noms qu�elle nous invite : Louis, protagoniste de cette histoire baroque, passe mentalement de pi�ce en pi�ce, en un voyage astral qui nous emporte vers des ailleurs. Les lieux s�encha�nent dans une logique intime et inconsciente. A travers un monologue o� se m�lent d�autres voix, celles de ses proches, sa silhouette se dessine peu � peu, comme sortant d�une brume, pour nous r�v�ler sa v�rit�.
En actrice avertie et admiratrice du cin�ma des deux David, Lynch et Cronenberg, Sophie Aubry r�ussit � mettre en mots l�univers pictural et gothique de ses deux ma�tres � penser. Passer ainsi de l�image au mot n�est pas chose ais�e, mais les m�taphores qu�elle invente prouve la r�compense de ses efforts. � Les papillons en haut de l�estomac se caressent les ailes entre eux � (p.13), � ainsi ma femme vivait comme un automate, avec un vrai c�ur et un esprit verni d�une �toile au plafond � (p.12) : proche de Boris Vian, sa prose fr�le la transe du h�ros en la mimant presque, et nous comprenons alors que nous lisons un puzzle de s�quences en plein sommeil paradoxal. Les sc�nes s�articulent comme dans un film o� les d�cors changent parfois brutalement, intuitivement, comme ce dialogue dans un wagon � bestiaux, entre une jeune femme et un homme fantomatique, o� l�ambiance bascule dans le fantastique. C�est que le temps et l�espace y vibrent selon une autre norme, celle du cerveau de Louis. Car nous sommes au coeur de ses pens�es, conscientes ou non. Jusqu�� la fin du roman, nous ne savons pas o� nous nous trouvons exactement, mais l�exactitude n�est pas de mise ici.
Sophie Aubry conjugue les correspondances et conjure ce que nous prenons pour des errances. Mots et images se r�pondent en ses phrases, et les situations respirent le m�me drame en �cho : dans la chambre 9, le jeune fille faisant semblant d��couter sa m�re qui conduit regarde un train o� �volue le jeune femme de la chambre 12, tandis que le th�me de la for�t prolif�re de page en page, car la nature est vraiment un temple o� de vivants piliers laissent plus souvent qu�on ne le pense sortir de confuses paroles, les mots de la lucidit� inconsciente.
Il est vrai que notre lecture d�pend du monologue de Louis, et la parole d�une pens�e vagabonde ne peut que nous perdre quelque part, mais pas n�importe o� : dans l�une des dix-sept chambres o� Louis se trouve certainement, et o� le drame se noue comme un poing serrant les draps, qui � doivent �tre blancs comme la saison � (p.13). A vous d�entrer dans cette saison... car ce roman est le jour en pleine nuit, celle de notre triste p�riode �ditoriale qui soudain se r�veille gr�ce � lui.
Richard Dalla Rosa
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