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Un pur roman
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A la t�l�vision, dans les ann�es 90, Christine Ockrent posait une bien belle question aux personnalit�s de cette �poque: qu�avez-vous fait de vos vingt ans ? Et puis d�autres, qui en d�coulaient. Qu�avez-vous fait de vos r�ves, de vos id�es, de vos d�sirs d�avant ? Que sont devenues vos nuits, vos jours aussi? Qu�est devenu ce flot d�insouciance, cette tension f�brile, la vision vaporeuse d�un futur souriant, incertain ? Quand votre naivet� �tait sublime, et vos actes inesp�r�s. C��tait � peu pr�s �a, et �a donnait de belles �missions.
Une pure r�ponse
Si l�on se prend � vouloir � notre tour r�pondre � cette question on trouvera, dans le deuxi�me roman de Louis Lanher, en creux, une r�ponse simple de trentenaire. Qui tient dans un texte, Un pur roman, que l�on se prend de face. Virgil, le narrateur, entour� de ses potes Ben et Jean-Guy, nous le disent au travers de vingt-trois chapitres au style "parl�-�crit" : du Xanax, des filles tr�s jeunes, Grand Capital sur Loft 6, Tout le monde est hard pr�sent� par Thierry Hard, des vestes en velours noir, des experts-comptables us�s, des cr�as satur�s, des t�l�phones portables roses, Capitaine Flam, des r�unions, des couloirs, des i-macs, des chiffres : 1, 2, 3 avec menu principal, et l�Ile de l��rection. Du Xanax, encore, Chlo�, Marc-Edouard, Fashion�Art, des chics types, des boites de prod, Ariel Fishman. Et le r�ve de Clara, 12 ans, qui remplace si joliment les notres et les rel�gue� ailleurs : "devenir c�l�bre, chanteuse ou animatrice t�l�, mais plut�t chanteuse".
Circulation circulaire, d�perdition, r�p�tition, contradiction. Plus d�histoires, mais des comportements, semblables, g�n�ralisables, comme si c��tait l��poque qui voulait �a. Comme s�il �tait inenvisageable de m�me penser pouvoir s�en �chapper. Une r�signation, inconsciente, une acceptation, de tout, au prix d�un second degr�. Une mani�re d��tre sans �tre totalement, un rapport soumis � l�image. Un long travelling en plan s�quence dans les soir�es chics de la capitale, o� se c�toieraient bimbos et animateurs t�l�. M�pris, convoitise, ennui. Et surtout d�autres cam�ras, filmant, elles aussi, leur propre d�ch�ance aussit�t port�e au seuil de la gloire universelle.
Un pur cynisme
Ce qu�il reste de nos vingt ans : la vision d�un monde tout � la fois morcel�e et globale. Des confettis, des actes minimalistes aussi passionnants que d�risoires, autour desquels s�organise un univers. Dans le livre de Louis Lanher, le moindre d�tail devient sympt�me, et son dispositif r�p�titif ne dit rien d�autre que : tout est naze, rien ne vaut la peine, mais notre grandeur r�side dans notre conscience de �a. C�est notre conscience, notre acceptation, qui fait de nous des types tr�s biens. Des types qui analysent l�horreur sans espoir d�un monde r�duit � des objets, � des groupes, ou � des �missions de t�l�vision. Ce qu�il reste de nos vingt ans pour Louis Lanher : un cynisme � toute �preuve, un rire nerveux, seul espoir de survie.
Dans les ann�es 90, le personnage jou� par Winona Ryder dans le film G�n�ration 90 (Reality bites), posait une autre question : Qu�allons-nous faire maintenant ? Comment allons-nous g�rer cet h�ritage d�sastreux ? Elle voulait dire : Qu�allons-nous faire de nos vingt ans ? Et sa r�ponse �tait simple : J�ai pas de r�ponse. C��tait au tout d�but de film, et �a voulait tout dire. Qu�elle et ses amis allaient faire avec, qu�ils allaient se d�brouiller tout seuls. Qu�ils assumaient, qu�ils avaient fait le deuil de leurs parents. Et �a donnait un beau film, plein d�espoir, malgr� l��tat du monde, pour ces futurs trentenaires.
Alors on ne comprend pas. Comme s�il y avait eu une discontinuit� temporelle, une erreur quelque part. Sauf qu�il n�y en a pas : Winona Ryder elle devenue Agathe, cette fille qui s�enflamme pour un fer � repasser de collection accroch� au mur d�une auberge de province que Virgil drague dans un salon pour cr�as. Nous sommes bien ces �tres tristes et d�j� morts que d�crit en riant Louis Lanher. Temporellement en tout cas. Parce que sinon� On veut bien le flingue que son ami Nicolas Rey proposait en promo de fournir avec son propre roman. A moins que�
A moins que nous soyons vraiment foutus, pour de vrai. Et qu�il n�y ait plus que quelques utopistes comme Camille de Toledo pour croire encore � un romantisme les yeux ouverts. Allez savoir�
Laurent Allen-Caron
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