La Bleue Nicolas Michel Gallimard

Parce qu�elle a la peau d�un bleu profond depuis sa naissance � postulat de d�part et unique fantaisie du roman � la jeune Alice surprend, effraie, repousse. M�me si, pour le reste, la fillette est compl�tement normale. Difficile, pour elle et ses parents, de construire leur vie en fonction de son �tranget�. Les m�decins d�pass�s ont beau diagnostiquer un sang mal oxyg�n�, cette lubie de la nature attire les questions et les difficult�s, � l��cole ou ailleurs ; les m�dias et la presse s�emparent avidement de l�affaire. La seule �chappatoire d�Alice, ce sera la piscine � seul endroit o� sa couleur se fond dans le d�cor � et sa passion pour la natation.

Histoire d�une absence de parole, d�un silence face � ce qui d�range, ce roman aborde avec beaucoup de subtilit� l�exclusion et le caract�re parfois destructeur de la diff�rence. La peau d�Alice pourrait �tre verte ou � pois roses, elle est stigmatis�e en raison des r�actions de curiosit� ou de peur qu�elle suscite. Sa solitude, d�j� grande depuis l�enfance, va s�aggraver � l�adolescence : au lieu de vivre les premiers �mois d�amours et de se sentir d�sirable, elle endure la perversit� du regard de l�autre, cette curiosit� malsaine environnante et in�vitable. Se blinder, fuir et oublier le monde ext�rieur, est une entreprise impossible : le foyer familial se d�sagr�ge lentement au fur et � mesure que le mal-�tre de l�h�ro�ne cro�t.

Troisi�me roman de Nicolas Michel (Goncourt du premier roman pour Un revenant), on retrouve dans La Bleue sa po�sie et sa sensibilit�, cette �criture �l�gante qui creuse en profondeur les th�mes qu�elle aborde. P�n�trant l�intimit� de personnages atypiques, �vanescents, bless�s et secrets, l�auteur se garde de tout pathos, r�fr�ne les sanglots pour mieux lib�rer une �motion qui se passe de manifestations bruyantes. Tout est d�licat et juste. On aime imm�diatement cette Alice, petite sir�ne des temps modernes sur le fil du rasoir, fragile, qui a perdu sa voix et son insouciance mais qui gagne une gr�ce et une grandeur hors du commun au fil du roman.

Jessica Nelson