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La Femme de Bratislava
| | La femme de Bratislava Leif Davidsen Ga�a
| Prix éditeur 21.00 euros
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Un roman d'espionnage digne de John Le Carr� et Robert Ludlum, fourmillant d'informations, riche dans l'analyse et la description de la personnalit� des protagonistes. Un polar tr�s actuel, dans les Balkans en toile de fond, pour les nostalgiques des romains de la Guerre Froide...
Teddy, journaliste et conf�rencier, est � la fois le narrateur d'un r�cit � la premi�re personne et la caricature de l'auteur : quinquag�naire plaintif, un troisi�me mariage bat de l'aile... Il a perdu presque toutes ses illusions, mais a pris l'habitude de figer certaines sc�nes de sa vie en tableaux, qu'il l�gende assez bien en g�n�ral. Ses deux soeurs sont les personnages centraux : une qu'il a toujours connue, l'autre qu'il d�couvre le jour o� elle s'introduit dans sa chambre d'h�tel et lui montre des photos du p�re qu'il croyait mort dans sa petite enfance. Commence alors pour Teddy une avalanche d'�v�nements, certains qui le d�passent, comme la d�couverte que sa soeur a�n�e espionne et que l'autre est agent double ou triple...
Bratislava
Per Toftlund, policier mis � l'�cart dans Le Danois Serbe ( Gaia, 2001 ), est rappel� par son ancien sup�rieur, Vuldom, une femme, chef et gourou de la police secr�te danoise... Elle d�sire sa collaboration � l'enqu�te internationale sur Edelweiss, personnage ou r�seau d'espions livrant des informations confidentielles sur la politique et les strat�gies �conomiques du Danemark depuis les ann�es 1950. Per est ravi de sa promotion, mais ses multiples voyages ( Varsovie, Prague, Budapest... ) pour les besoins de l'enqu�te ne rassurent gu�re sa jeune femme, en fin de grossesse... S'il culpabilise pour ses absences, il doute de ses capacit�s de futur p�re comme de celles requises pour r�soudre l'affaire dont on l'a charg�.
L'intrigue a du mal � d�marrer ( au diable ses probl�mes personnels, son tour de rein et ses maux de gencives !), mais la lecture r�v�le bient�t un r�cit bien document� : la tension monte avec les r�cents �v�nements politiques dans les Balkans ici fort bien d�crits. Progressivement, on d�couvre le d�roulement de la guerre du Kosovo sur le terrain, les difficult�s au quotidien des ethnies en confrontation, les raisons des encha�nements de bombardements et d'attentats, les motivations des pays voisins et la politique de l'OTAN. Et le ton est donn� : " ...Bratislava pr�sentait tout ce qui subsistait du d�sordre, dans son �tat de transition entre le communisme et la d�mocratie. De vieilles maisons meurtries, en b�ton, voisinaient avec des Mac Donald's et des voitures occidentales vol�es (p.56) ".
Soit un fond de guerre qui n'en est pas vraiment un, puisque les puissances occidentales s'arrangent pour �viter les 'dommages collat�raux', mais o� �voluent des personnages typiques mais sans d�formation excessive, tels les espions et policiers dont les qualit�s et initiatives sont parfois brid�es par la politique omnipr�sente... C'est l� qu'on entend Vuldom enseigner aux nouvelles recrues des services secrets " le non-dit, dans un rapport, peut � la fois distraire et informer. Et c'est souvent dans ce paradoxe que repose la v�rit� sur une personne ou un �v�nement (p.176) " et que " les renseignements sont un cocktail � parts �gales d'efficacit� et de chance (p.217) ".
Bratisla girls
Les personnalit�s et caract�res des h�ro�nes sont admirablement d�crits : on les sent vivre diff�remment, avec des motivations sensiblement distinctes vu les quelques ann�es de d�calage dans leur �ducation et leur apprentissage de la vie...
Irma, l'a�n�e, se souvient du p�re et de son d�part, qu'elle v�cut comme un abandon. Elle est devenue f�ministe dans l'�me : " je n'ai pas tard� � comprendre que m�me les hommes les moins dou�s et les moins instruits se sentaient le droit d'imposer leur pouvoir aux femmes uniquement � cause de leur sexe (p.288) ", et ce au Danemark qui, d�s 1915 donna le droit de vote aux femmes. Mais elle partage les id�es de certains Danois lors de l'invasion du pays par l'Allemagne : " je n'ai jamais contest� l'assassinat de six millions de juifs, mais je comprends que certains hommes soient n�s pour diriger les masses qu'il fallait former parce qu'elles en savaient moins qu'eux (p.290)" . Mais elle est r�aliste : " le nazisme est mort, mais ce n'est pas pour �a que la soci�t� doit mentir sur son pass� et choisir une v�rit� adapt�e aux mythes que les gouvernants veulent imposer au peuple (p.311) ".
Maria, l'autre soeur, multiplie les identit�s ( Katrin, Svetlana, Ina, Mira...) selon les gouvernements pour lesquels elle travaille. Mais elle est moins id�aliste ; parlant de son m�tier, " les rapports des services secrets se composent de 90% de merde ou d'�vidences banales, de 10% de mensonges et de 5% de v�rit�, et peut-�tre, de temps � autre, d'un petit secret [...] Soustrais quelque chose o� tu voudras (p.431) ".
Voici donc un bon polar, dont on pourra toutefois regretter certaines faiblesses de traduction ( que signifie " bagatellis� " ? ) et un certain 'retard � l'allumage' de l'intrigue. Mais on ne pourra qu'appr�cier la documentation et le r�alisme du r�cit, la bonne construction de l'action et les excellentes informations sur la d�cennie pass�e. Car Leif Davidsen, journaliste � la radio danoise, et ancien reporter � l'Est, puise ses sources dans l'actualit� pour une fiction tr�s proche de la r�alit�, et dont les personnages �veillent des �chos actuels � l'�vocation de La Haye et du proc�s de Milosevic. C'est pourquoi il a su si bien d�crire l'atmosph�re politique et les diff�rentes personnalit�s des protagonistes de ce dernier roman.
Norah Gu�neau
� 2004 LBESR
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