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Les avenirs, de Hafid Aggoune
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     | Prix éditeur 15.00 euros
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Novembre 1942. Un train emporte vers la mort Margot, le grand amour de Pierre. De ce jour, l�adolescent abandonne la vie. Soixante ans plus tard, un �v�nement impr�vu le r�veille soudain au monde : Pierre trouvera en l��criture du pass� la voie d�un salut improbable. Les Avenirs ou le bouleversant itin�raire d�un voyageur immobile.
� Un jour, j�avais 17 ans, j�ai disparu de moi �. Les premiers mot des Avenirs �clatent d�embl�e, r�sonnent imm�diatement � l�esprit, laissant pr�sager la troublante beaut� du vide existentiel telle qu�elle va surgir de ce r�cit �tonnant. Disparition au sens propre, ne survivra que le corps.
L�absence de soi
De novembre 1942 � septembre 2001, Pierre est intern� � la clinique psychiatrique de l��le de Luz. Il y vivra hors des autres et de lui-m�me, muet et immobile, assis sur un banc qu�il croit �tre celui d�une gare, attendant un train sans retour, le sourire d�un visage perdu.
� Avec le temps, j�ai disparu et mon corps est rest� seul � attendre. J�en avais oubli� la raison. Sur mon banc, seule une partie de moi, secr�te, observait les couleurs du ciel et ses changements infinis. (�) J��tais une vie suspendue � rien �. Le temps passe.
Un jour pourtant, un �v�nement va bouleverser cet �tre sans consistance, marquant d�finitivement � la fin de l�exil int�rieur �.
Peindre l�invisible
A l�image d�un style tout en nuances, aux mots limpides et forts, aux phrases courtes percutantes, ou au contraire lentement d�li�es comme suivant une ligne imperceptible, le r�cit s�impr�gne d�un univers pictural omnipr�sent. Margot �tait peintre. Ses toiles sont les seules traces qu�elle ait laiss�es et Pierre ne l�a pas oubli�. D�s son premier jour � la clinique, il remarque l��trange manie d�un r�sident : � Mon �il �tait attir� par les mouvements infatigables de cette main l�g�re et gracieuse. (�) Il peint dans le vide et je le regarde faire. Il n�a rien dans la main et rien devant lui. (�) L��pier devient une obsession et ma seule raison de vivre. Dans cette qu�te d�objets sans corps, faits de gestes purs et de silence, au del� de la r�tine, je survis. �
Cette main magique � laquelle est suspendue la vie de Pierre interrompt brutalement son mouvement le 11 septembre 2001. Le suicide du peintre sera le signe de la renaissance pour Pierre.
Esquisse du rien
Il fallait vraiment une v�ritable force d��criture pour int�resser un lecteur � une histoire apparemment fond�e sur le rien, � un r�cit consacr� au vide. Non seulement Hafid Aggoune poss�de ce talent, mais surtout le vide qu�il d�crit est infiniment riche. Il tisse ici avec d�licatesse les fils tenus d�une existence en creux, faite d�attente vaine et de souvenirs ind�passables.
Hors la vie, Pierre a surv�cu accroch� au pinceau invisible d�un peintre imaginaire, lien immuable d�un pass� douloureux. Chaque description de ses contemplations est un pur bonheur de lecture, tant les mots sont expressifs, saisissant avec justesse les mouvements inscrits sur la toile. De retour au monde � 76 ans, Pierre raconte son histoire, son existence transcend�e par l��criture : � J��cris la fin de l�inexistence, le d�but du monde. La vie me revient mot � mot, d�charn�e, presque s�che. Chaque lettre est un soleil noir creus� dans la lumi�re. (�) L��criture me rend le corps d�laiss�. La page m�offre la demeure. (�) J��cris, je me redonne vie. L��criture est mon nouveau visage. �
Au terme de ces incessants aller-retours entre pass� et pr�sent, de ce voyage au c�ur d�un �tre bris�, empli d�images devenant enfin des mots salvateurs, une seule envie : remercier Hafid Aggoune pour ce beau cadeau litt�raire. Ma�a Gabily
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