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L'oubli�
| | La folie du Roi Marc Clara Dupont-Monod Grasset
| Prix éditeur 16.62 euros
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Tristan et Yseut revus et corrig�s : lumi�re est faite sur une histoire trop belle pour �tre honn�te, trop tragique pour ne pas �tre surfaite.
R�les renvers�s et mythe en disgr�ce : les rep�res traditionnels s'effacent au profit d'une d�marche audacieuse o� Yseut et Tristan sont les nouveaux l�preux de la l�gende. La parole est enfin donn�e � un oubli�, Marc, cocu et Roi, victime de la non validit� des lois dans le domaine amoureux et de son mis�rabilisme. Il dort et se repa�t de son manque d'h�ro�sme : qu'il hurle ! Sa passivit� r�volte ; mais lorsque la r�activit� lui na�t enfin, il en perd ce qui le faisait homme. Il aime trop, mal, inopportun�ment. Les cornes qui lui tiennent lieu d'�ill�res puis de couronne le d�sesp�rent, le r�signent, le font rire et pleurer, sombrer. Il a tout du Dandin, pitre et moderne dans la crudit� de ses confessions, mais exploitant, parfois inconsciemment, la fibre corn�lienne dans les �lans de pudeur qui troublent sa lin�arit� interne. Il �veille les douleurs et angoisses qui trouvent un �cho aupr�s de chacun, il d�range : qu'il se taise ! Impitoyable, on le d�teste. Indulgent, on le m�prise ; ne rien tenter pour r�cup�rer sa femme ou sauvegarder l'honneur impos� par son rang est intol�rable. Faiblesse, rage ou indiff�rence, tout lui est refus� : il est coinc�. Et il en devient cingl�.
Marc embastill� est diss�qu� avec d�lectation : r�v�lation du masochisme et du non-sens des vengeances. P�n�trer l'avilissement du solitaire rong� par l'orgueil, d�go�ter pour faire entendre ; l'examen chirurgical de l'auteur expose des tripes convuls�es par l'esth�tique de la douleur, masque la dimension de p�ch� pourtant sous-jacente � chaque phrase. Contraste entre minutie descriptive et impr�visibilit� de l'�lan : on ne comprend pas toujours si le r�cit est celui de ses crises ou si le fil de l'histoire se tisse simplement. Entre radotage obsessionnel, imagination galopante de Marc et r�alit� : tout est m�lang�, savamment dos� pour que subsiste le doute avant l'in�vitable, car " l'incertitude est un r�pit ". Et Dupont-Monod de se glisser si bien dans l'auto d�rision de la condamnation et l'ironie des mea culpa.
Cette reconfiguration, vue par celui qui n'est peut �tre qu'un illumin� dont nous partagerions un soupir d'�garement, fait preuve d'un lyrisme duquel on sort avec un certain soulagement. Il sera probablement intern�, eux libres de fr�tiller et nous d'oublier ces instants lourds pour ceux qui s'attendaient � un �ni�me conte d'amour, poignants pour ceux qui reconnaissent la force de ce monologue et la simplicit� pleine de finesse de la confession. J. L. N.
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