#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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La Vie sauve

 La Vie sauve
Lydie Violet
Seuil
Prix éditeur
12.00 euros

Une femme apprend qu�elle va mourir. Elle d�cide d�en parler, d�en faire un livre. On h�sitait � le lire, on craignait que l�aspect t�moignage n��lude toute vell�it� d��criture. A tort. La Vie sauve est d�abord un vrai moment de litt�rature.

La tendance au livre-t�moignage scl�rose depuis quelques ann�es la sc�ne litt�raire fran�aise. Trop de mauvais textes, vaguement cautionn�s par des �diteurs en mal de succ�s, envahissent les tables des librairies, et le lecteur se perd � chercher quelques vagues traces de litt�rature dans ce qu�on persiste � appeler � livre �. Autant de bonnes raisons de se m�fier du texte de Lydie Violet, La Vie sauve, o� elle raconte la maladie incurable dont elle est atteinte. On s�en empare donc � reculons et puis on constate soudain qu�il est co-�crit par Marie Desplechin. Ah. La curiosit� revient. On ouvre la premi�re page� et on ne s�arr�te plus.

On avait peur, d'embl�e, de ce double r�cit trop marqu� entre la malade et la bien portante, trop grave pour �tre honn�te, trop tire- larmes pour �tre vraiment �mouvant. On se trompait.
Ici, les deux voix se m�lent pour n�en faire qu�une, unies en un � je � qui ne permet aucune identification originale. En r�alit�, peu importe qui parle. Seul le sujet compte. Comment continuer � vivre quand on se sait une limite ? Quand la vie est un d�compte qui vous m�ne � une fin programm�e ?
Lydie Violet est attach�e de presse. Elle est m�re, femme. Elle a des amis, des amours, un chat. A la suite d�une crise d��pilepsie, un scanner r�v�le qu�elle est atteinte d�une tumeur au cerveau ingu�rissable. Premi�re question, la plus �vidente : combien de temps ? � Je veux dix ans (�) dix ans pour mes enfants, ce n�est pas trop demander je crois �, dira-t-elle au m�decin. Elle en aura 8. Lydie perd son travail, son mari. Elle se fatigue, beaucoup. Tout est effort d�sormais. Marcher, parler, rire, esp�rer. Elle comprend qu�il faut apprendre � mourir. Et pourtant, autour d�elle, en elle, la vie continue. Le quotidien est toujours en marche, on y rencontre des petites joies, des petites peines, des d�ceptions. Comme avant. Avec cette petite chose-l�, pas loin, la seule qui ait chang� : le temps est d�sormais quantifiable.

L�existence devient un vaste champ d�observation. Comment r�agir en soci�t� ? Faire semblant de rien ? Ou au contraire commencer par �a ? Et les autres ? Ceux qui ont l�air d��tre �tonn�s de vous croiser dans la rue, encore debout. Ceux qui ont tout de suite �t� l� et sont rest�s, ceux qui ont fait semblant, ceux qui ont vraiment essay� mais qui n�y sont pas parvenus, parce que c�est vrai, certains ne savent pas y faire.
Regarder son corps aussi, constater les d�g�ts, sentir ce bras de fer qu�on vient d�engager avec soi-m�me, ce combat impossible entre l��me et le corps. La premi�re lutte avec acharnement ; la deuxi�me l�che, progressivement.
Ce texte n�est pas une journal, une chronologie organis�e, mais un assemblage de moments �pars, de r�flexions, parfois de souvenirs comme d�instantan�s de quotidien, o� l�humour n�est jamais loin. � Il y en a du boulot pour ceux qui s�occupent tout seuls de leur mort �, �criront-elles. Vocabulaire l�ger pour grave propos. C�est un peu �a, La Vie sauve : une oscillation, ligne apr�s ligne, entre le rire et les larmes, entre l�acceptation et la col�re, un fil tendu autour du vide sur lequel on cherche l��quilibre.

Vers la fin, une promenade sous les arbres et ces mots, apaisants : � J�ai pens� que nous �tions le vent, les feuilles et la lumi�re. J�ai pens� que nous �tions l�instant et que la mort n�y pouvait rien. La mort �tait absente. Nous �tions l��ternit�. J�ai pens� enfin que mes amis sauraient cela, quand ils passeraient sous les arbres au printemps, et les amis de mes amis, et les enfants de mes amis �.

Ma�a Gabily



 
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