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Dans la diagonale
| | Dans la diagonale Fran�ois B�gaudeau Verticales
| Prix éditeur 17.00 euros
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Dans son second roman, entre dialogues incisifs, personnages n�vros�s et monologues tortur�s, sans oublier une pointe d�humour vif, B�gaudeau se fait le d�nonciateur de la m�diocrit� et lorgne pour beaucoup du c�t� de l�asocialit� : en somme, comment essayer d��viter les autres pour ne pas avoir � leur rentrer dedans.
La m�diocrit� ambiante l�insupporte.Il fuit. Surtout les rencontres sans int�r�t. Il ne supporte plus les comportements de convenance, les politesses ringardes et les sourires hypocrites. Sans doute par peur de la contamination.
Les vieilles connaissances qu�il peut croiser dans la rue deviennent alors de redoutables spectres : non, il ne pourra surmonter une petite discussion de courtoisie. Rencontrer quelqu�un, et surtout � l�improviste, c�est trop de dialogues �tir�s, trop d��changes convenus : pass�es les quelques r�pliques de circonstance, quand vient la rupture de stock, le malaise s�installe. � Marcher t�te haute, buste droit �, se r�p�te notre narrateur.
Mais c��tait sans compter l�apparition subite et impr�visible de Jacques, au d�tour d�un trottoir. Jacques, fant�me du pass� et ancien ami de lyc�e, qui lui tient la jambe et finit par l�inviter � une soir�e entre amis o� il faudra immanquablement faire bonne figure, se frotter au monde, ne pas se montrer trop discret. Etre pr�sent et non pas faire acte de pr�sence. Comment d�cliner l�invitation ?
Un soubresaut d�humanit�, et il finit par accepter d'y aller, mais on ne comprend pas bien pourquoi.
G�n�ration d�senchant�e
Pour se rendre � la soir�e, le narrateur se fait auto-stoppeur. Et les quelques personnes qui vont le conduire � bon port sont autant de revenants terrifiants et robotiques : tout en roulant, ils racontent leurs vies, leurs discours constituant une litanie sans fin. Les histoires vont des plus transparentes aux plus terrifiantes, les fant�mes au volant se confient et ne se ressemblent pas�
Trentenaire lui-m�me, B�gaudeau fait de son protagoniste un obsessionnel, qui rep�re les personnes d�environ � trente-trente-cinq ans � plus vite que son ombre : des �tres qui partagent un peu la m�me forme d�errance, ersatz d'une g�n�ration d�senchant�e. Le narrateur ne sort pour ainsi dire jamais de lui-m�me, d�o� une impression permanente, lors de la lecture, d�une distance entre la situation dont il fait partie et ce qu�il en d�crit : est-il toujours l� ?
Au d�ner,on assiste au jeu des marionnettes sociales et � celui, mental, de l�asocial. A dire vrai, on ne sait pas tr�s bien o� les monologues int�rieurs du protagoniste veulent nous mener ; obs�d� par les contours, par les lignes, les angles, les droites, il ne fait que remarquer, noter, relever ce qu�il voit. Il ne participe pas : il observe.
Son rapport au monde et aux autres est �triqu�. Mais peut-�tre est-ce finalement sa conception des relations humaines�
Lors d�une interview pour la sortie de Jouer juste, son premier roman (publi� en 2003), on demandait � Fran�ois B�gaudeau en quoi consistait son prochain roman.Il parla d�un texte � autour de l�amiti� �. On dira plut�t : autour de l��trange.
Julien Canaux
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