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Les Promis
| | Les Promis Eun-Ja KANG Fayard
| Prix éditeur 17.00 euros
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Au d�but du si�cle, la mont�e du militarisme nippon en arri�re fond, l�enfance et la vie de la jeune femme Yuki en premier plan : perte de sa nourrice, qu�te de l�amour, prise de recul sur les opinions et croyances entre Occident et Orient. Un roman tendre et bien �crit.
Religion, cachez ce saint que je ne saurais voir�
Japon, vers 1915. Yuki, fillette de six ans �veill�e et tr�s m�re, sait d�j� garder le secret de sa nourrice Hana, catholique par ascendance. En effet, le roman r�sume l�histoire de l�anc�tre de celle-ci, le daimy; Nomura, qui devint paysan sous le nom de Takeru pour sauver sa famille de la politique de pers�cution des chr�tiens lanc�e par le puissant Toyotomi Hideyoshi. Et la croix que Hana porte au cou sous son kimono est un joyau de famille, transmis de g�n�ration en g�n�ration, dans un secret bien observ� depuis�
Une nuit, la m�re de Yuki retrouve Hana la poitrine d�nud�e contre sa fille endormie, et aper�oit le fameux pendentif, incompatible dans une famille bouddhiste� Hana est donc invit�e � partir, � l�insu de la fillette qui lui �tait si attach�e qu�elle en souffrit pendant des ann�es�
Le christianisme est ainsi tr�s pr�sent dans le roman, d�abord par la nourrice qui est aussi pr�texte aux rappels historiques de pers�cution religieuse, ensuite par son amie Ise, chr�tienne �galement, puis par son entr�e � l�universit� Keio qui est aux mains de missionnaires. Ce que l�auteur ne dit pas, en �tant elle-m�me originaire, c'est que la Cor�e est la plus grande perc�e de l�Eglise en Asie.
Yuki, ou la vrai vie...
Yuki et Hana se retrouvent plus tard, peu avant le tremblement de terre de 1923 qui d�vasta Tokyo, avec son lot de victimes proches� Les ann�es passent, et Yuki entre � l�Universit� Keio pour �tudier le fran�ais. Premi�re confrontation entre les deux croyances : � aux temples, le Grand Buddha sourit toujours, mais les moines ont l�air tristes, et � l��glise, J�sus souffre, mais le pr�tre est heureux (p.104) �. Et premi�res impressions sur les divers quartiers de la capitale : � Ueno, Kanda et Minato-ku sont des quartiers artificiels : on n�ose � peine y murmurer. M�me quand on rit, on a le visage crisp� (p.117) �. Ne croirait-on pas une description du Quartier Latin ? Et Yuki de pr�f�rer les quartiers populaires, plus anim�s et plus authentiques, m�me si les geishas y travaillent�
Premi�res amours aussi, du bout des l�vres d�abord, avec Takahito son promis depuis qu�elle est petite. Mais Takeshi est tr�s � cheval sur la tradition avec des id�es r�actionnaires bien arr�t�es, l� o� Yuki est sensible et � l��coute des gens, quelles que soit leur condition� Mais un jour elle ouvre les yeux : � un doute la taraudait : �Je ne l�aimais pas ?' s�interrogea-t-elle, �berlu�e. Presque en m�me temps qu�elle formulait cette question, elle sentit se d�chirer le dernier voile qui l�emp�chait de voir. Ce n��tait pas Takahito qui l�avait tromp�e, mais elle-m�me ! C��tait elle qui s��tait donn� l�illusion d��tre amoureuse et qui avait entretenu le plus grand mensonge� (p.168) �.
Et Yuki de s�exhiler � Paris avec ses parents pour raisons politiques, explorant la vie un peu plus. Juste avant son d�part, elle retrouve une derni�re fois celle qui avait veill� sur elle et nourri sa tendre enfance : � Hana sourit et ouvrit son kimono. Yuki retrouva ces seins qui avaient nourri son corps, apais� son �me et rempli son c�ur de l�affection la plus tendre et la plus profonde. Elle les caressa un moment, puis y enfouit son visage pour respirer, l�odeur de sa nourrice, qui l�avait rassur�e quand elle avait eu besoin de se sentir aim�e (p.225) ��
Le roman est bien �crit, fluide et sans heurts, si ce n�est la chute finale, comme il se doit. C�est un bon deuxi�me roman, de femme d�ailleurs comme on le sent par les th�mes abord�s et dans le ton de l��criture. Les descriptions des personnages restent cependant elliptiques, les nombreux conflits sont esquiss�s sans �tre approfondis ; le roman psychologique n�est pas le propos ici, mais il y avait de quoi faire un roman plus consistant sur le regard de l�Autre, sur les antagonismes orientaux/occidentaux dans ce Japon du d�but du XXe si�cle�
Quoi qu�il en soit, l�auteur a une jolie plume, qu�il s�agit maintenant d��toffer. Philippe Cesse
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