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T�te baiss�e
| | T�te baiss�e Michel Frayn Gallimard
| Prix éditeur 22.87 euros
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Plonger dans l'�criture de Micha�l Frayn, c'est d�couvrir la douceur velout� d'une brise l�g�re qui souffle sur le poumon d'Albion, les verts p�turages du Kent ou les champs �pars et boueux de l'Essex.
Rentrer dans Upwood en passant par Edgware, comme Kate et Martin, les deux h�ros intellos du roman, pour d�passer les arch�types fi�vreux des villes et les remplacer par les st�r�otypes enfi�vr�s des campagnes. C'est donc tout l'art du d�but du roman de Michael Frayn que de nous offrir, � nous, lecteurs, une d�licieuse satyre de l'�ternel incompr�hension entre le rat des villes et le rat des champs. Cette mise en bouche est d'autant plus savoureuse que l'auteur britannique s'amuse de mille anecdotes et de mille mani�res de faire, les fameuses "way of behaving " de l'Angleterre prude et victorienne. Bref, il y a comme une forme de d�lectation dans l'accrochage du syst�me et des rapports humains britanniques.
On ne s'ennuie donc pas � lire T�te Baiss�e, au contraire, on y prend du plaisir. Parce que les quiproquos affectifs donnent le ton de stratag�mes conjugaux qui eux-m�mes r�pondent aux �lucubrations de la tentation : Martin, le mari de Kate, a l'intuition d'avoir d�couvert lors d'un d�ner chez ses voisins, les Churt, des ploucs notoirement typiques, un Bruegel perdu depuis des ann�es. Devenu fou de ce tableau, l'intellectuel londonien va monter une intrigue afin de s'emparer du tableau. La dite intrigue va modifier ses rapports aux choses, et ce tableau, intuition ou non, va faire basculer sa vie du nominalisme au normalisme (tout une histoire�)
Mais la grande r�ussite de Micha�l Frayn est d'avoir pu conjuguer un ton ironique, � une peinture r�aliste et � une intrigue int�ressante (on grignotera avec le sourire fix� aux l�vres les pages sur les avances de la femme Churt, le passage sur le parking londonien o� Martin essaye de n�gocier un tableau avec un galeriste v�reux ou l'arriv�e du fr�re Churt comme trouble-f�te inopportun). Le tout �tant saupoudr� d'un zeste de malice et d'une �criture fine et rapide, et enrob� dans une bonne couche de suspense et d'�rudition.
On y apprend m�me. Parce que ce Bruegel est l'occasion de se replonger dans l'univers tourment� des Pays-Bas du XVI�me si�cle, de questionner la vie du peintre batave et de mettre en perspective notre rapport � l'�uvre d'art. Frayn pose une question non d�su�te : Faut-il accorder autant d'importance que cela � la repr�sentation, � l'�uvre d'un humain ?
C'est toujours avec le m�me ton pince sans rire d�shabillant les sentiments humains, et mettant en sc�ne le tourbillon du besoin que l'auteur va poser la derni�re touche � son roman comme une �pitaphe sur un tableau : le d�nouement est sans surprise, �gal � l'ensemble du roman. Une conclusion s'impose : L'�uvre de Micha�l Frayn est respectable. J. B. V.
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