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Deux shoots de Chuck
| | Le festival de la couille Chuck Palahniuk Deno�l
| Prix éditeur 22.00 euros
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Coup sur coup, deux livres de Palahniuk : le grand-guignolesque Festival de la couille (Denoel) et le cryptique Journal intime (Gallimard). Pr�parez les neuroleptiques.
Chuck Palahniuk est assur�ment aussi �trange que ses romans. Ou alors la r�alit� est parfois aussi �trange que les productions de son esprit. Chose inqui�tante, c�est la deuxi�me proposition que semble coroborrer Le Festival de la couille, recueil s�minal de reportages pass�s � la moulinette d�un des cerveaux les plus pr�cieux des Etats-Unis. Quand l�auteur de l'anti-social Fight-Club et de l�instable Berceuse se pique de journalisme, les angles s�obstruent. Naviguant entre le drolatique, l�insolite, le kitsch et le crade, Chuck Palahniuk danse toujours sur la ligne qui s�pare l�humanit� d�elle-m�me. Ces quelques pas sont vite franchis d�ailleurs. Pourtant, l� o� le t�cheron suerait quelques m�taphores bancales, lui se contente de pousser l�g�rement du pied ses sujets. Un petit coup de pouce, et la folie du quotidien peut s��panouir comme une fleur malade.
Gonzo parmi les schizos
Anthropologue naturel, il laisse parler p�le-m�le les originaux, les militaires, les rockstars, les obs�d�s, les pauvres, les nantis et les tar�s. Surtout les tar�s. Dans ces pinacles de la bouse, toute vell�it� surr�aliste est rapidement oblit�r�e par le luxe de d�tails techniques et le grand pragmatisme du style. Humble, Palahniuk s�efface derri�re son sujet : le trouble se suffit � lui-m�me. Il est vrai que la foire du sexe au fin fond des States qui donne son nom � ce recueil n�a pas besoin d�effets de manche. Tout comme l�ineffable reportage sur les b�tisseurs de ch�teaux. Alors, Chuck n�aurait-il le g�nie que de tourner la t�te au bon moment ? C�est apparemment plus compliqu� : � mon propre cycle fonctionne ainsi. R�alit�. Fiction. R�alit�. Fiction �, d�crit-il en introduction du Festival. Ce qu�il r�sume aussi par � seul. Avec les autres. Seul. Avec les autres �. Rien que de tr�s banal finalement : sa fiction ne serait que le palliatif d�une solitude et la r�alit� l�expression d�un groupe ? Le g�nie tordu de Palahniuk est d�inverser les codes : la r�alit� n�est que le palliatif d�une solitude et la fiction l�expression du groupe. L�humanit� de ses romans peut ainsi sombrer doucereusement dans le d�lire collectif, en toute normalit�.
Misty, dans le brouillard
C��tait la th�orie, voil� la pratique : Journal intime . Honoris causa du bizarre, Chuck Palahniuk plonge encore une fois son personnage dans l�enfer le plus insidieux, celui des autres. Misty Wilmot est une de ces figures christiques que l�auteur affectionne. Vie d�abn�gation, espoirs crott�s, enfance en d�calque d�une m�re abandonn�e et, forc�ment, abandonnique. Alors quand Peter, son futur �poux, d�c�le en elle le talent d�un peintre, elle le croit. Et quitte alors une prison pour en retrouver une autre : la bien nomm�e Waytansea Island, paradis pour aristos fin de race, refuge de descendants du � Mayflower � dix fois consanguins. Une fois son mari suicid�, la v�ritable nature de son destin se r�v�lera. En touches l�g�res, le basculement s�op�re. Misty tient ce Journal intime � la troisi�me personne, la folie guette et finira par la mordre aux talons pour la faire chuter. A la fois pr�cis de la douleur et essai sur l�art, Journal intime est le moins soci�tal des romans de Chuck Palahniuk : l�introspection est � son fa�te. Il en appelle d�ailleurs � CG Jung ou � la graphologie pour sonder l��me humaine, ce qui laisse augurer de prochaines op�rations dans le vif de la psych�. Les scalpels de Palahniuk sont de plus en plus tranchants.
NB : Journal Intime est publi� aux �ditions Gallimard, La Noire. Laurent Simon
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