Un Couple Ordinaire Isabelle Miniere Le Dilettante

Prix éditeur 14.00 euros

Brillant portrait, attachant et �difiant, d�un couple qui se d�chire lentement et in�luctablement : lui parce qu�il n�est pas le fonceur ni l��talon qu�elle d�sire, elle parce qu�elle fait du chantage affectif, ordonne ou rationalise � sa convenance, avec clich�s et prises de t�te.

Un couple ordinaire a ses hauts et ses bas, chacun a ses doutes t�t ou tard, surtout si le couple s�est mari� jeune et sans grande exp�rience. Vivre � deux s�apprend, avec l�introspection et observation de l�autre, selon sa sensibilit� et ses �preuves v�cues, et enfin d�apr�s ce qu�on veut dans la vie et les moyens dont on dispose.

Dans cet exemple, remarquable par le sens de l�observation de l�auteur, c�est un couple ordinaire socio-�conomiquement, ordinaire dans ses clich�s et ordinaire dans ses �changes. Ici, c�est B�atrice qui porte la culotte, c�est elle qui ordonne Benjamin, son mari pharmacien, un peu effac� et moins ambitieux qu�elle et ses amies ne le souhaitent. C�est que Ben veut vivre heureux et voir sa petite fille Marion grandir chaque instant de sa vie, loin des pr�occupations de la gestion d�une �ventuelle officine que tout son entourage le pousse � acheter. A commencer par B�a, qui ne supporte ce diminutif dans la bouche de son mari, car �B�-A� c�est d�abord une bonne action. Et quand elle s�emporte, comme cela est fr�quent, B�atrice n�a pas une t�te � bonne action.

B�atrice est gentille et aimante certes, mais c�est surtout une forte t�te qui a opinion sur tout, qui aime avoir pignon sur roue, qui travestit tous les arguments pour les entrer dans son cadre de pens�e. Les �changes du couple tournent donc vite au dialogue de sourds, d�autant que B�atrice est impulsive et joue volontiers sur le chantage affectif : elle menace de partir en Guadeloupe avec sa fille dont elle n�aurait aucun mal � avoir la garde, elle lui intime de faire l�amour pour se faire pardonner� C�est que B�atrice est une belle Antillaise, un beau morceau � ce qu�il para�t, et bonne au lit avec �a. Simplement, trop crue et trop vulgaire, c�est plut�t un �teignoir pour son mari qui d�sire tendresse et faire l�Amour, pas du sport : � ce n�est pas de l�amour, tu confonds, c�est de la possession. Tu te fais des illusions : tu ne m�aimes pas, tu veux seulement que je t�appartienne, que je t�ob�isse ��

Benjamin souffre donc de la situation, lui qui est si serviable avec tout un chacun : il a d�ailleurs du mal a dire simplement �non�, mais son ami et patron Aim� lui dit comment commencer � mettre des limites. Alors il suit ses conseils, et �a marche du tonnerre au boulot. En revanche, � la maison, Bea fait un drame de chaque non de Ben : que la soumission des femmes au mari est r�volue, qu�une femme a le droit de refuser et de donner son opinion, que Ben doit aller chez le psy et se remettre en cause, etc. Simplement, Benjamin ne bouscule personne et ne veut pas �tre davantage bouscul�, il sent la vacuit� de sa vie avec B�a, et reste lucide autant que bon prince : � ma femme est belle, intelligente, et je suis malheureux. Beaucoup de gens voudraient ma place dans la vie, dans mon lit, et je suis malheureux. Je suis un privil�gi�, et je suis malheureux. Le pire, c�est que je n�en ai m�me pas honte [�] je n�ai d�ailleurs jamais dout� de son intelligence, je l�ai plut�t redout�e� Si elle avait �t� moins maligne, je me serais peut-�tre trouv� un peu moins vide, un peu moins creux �. Bref, Benjamin de son sent prisonnier de sa ge�li�re, qui en outre a le Droit pour elle.

En filigrane, le texte est �maill� des piques fr�quentes dans les querelles domestiques, le retournement d�arguments est ma�tris� ainsi que quelques jeux de mots, faciles mais coh�rents dans la situation d�crite. Les r�pondes d�licieusement enfantines de Marion sont bien rendues dans le texte, et l�on comprend que le pater fonde � les entendre autant � voir la bouille mignonne de sa fille.

Philippe Cesse