Les Reliques Jeanne Benameur Denoel

Prix éditeur 15.00 euros

Les Reliques, ou le r�cit, sur un mode po�tique, de l�ardente passion qui continue de consumer trois personnages, aux confins de la marginalit�, pour la m�me acrobate tragiquement disparue.

On a vu, sinon lu, des �crivains qui, apr�s avoir enchant� les parents, se lancent � la conqu�te d�un public enfantin. Jeanne Benameur, sp�cialiste de la litt�rature jeunesse, emprunte le chemin inverse. Il n�y a qu�� relire les titres d�ouvrages comme Edouard et Julie, c�est pour la vie ou Valentine rem�de, pour que sourde la nostalgie d�un temps o� nous f�mes d�heureux lecteurs en culottes courtes. Leur auteur semble aujourd�hui s�adresser � l�enfant qui demeure en nous, pauvres adultes, qui ne demandons que cela. conteur d�une singuli�re histoire, scand�e en phrases courtes, deux mots suffisant parfois, le tout conjugu� au temps pr�sent. Ellipses et bonds en avant, d�un hiver � l�autre : on peut avoir peur au d�but, et finalement, le charme op�re.

Trois saltimbanques en fin de carri�re et r�pondant � des pr�noms calqu�s sur ceux des rois mages d�un autre conte bien connu, sont abandonn�s � leur sort par la caravane d�un cirque ambulant, aux abords d�un baraquement d�saffect� et non loin de ce qui restera nomm� � le village �. L�un, Zeppo, toqu� de photographie et passablement cleptomane fait encore le clown ; l�autre, Helsior, est prestidigitateur jusque dans sa mani�re de pr�parer le caf� ; Nebaltar entrait dans la cage aux fauves comme dans un moulin. Vient s�ajouter au nombre Mira, absente mais centrale, trap�ziste morte des suites d�une chute sur la piste, apprendra-t-on, au beau milieu d�un spectacle, et qui hante encore, longtemps apr�s, la m�moire collective du trio. Les ex-amuseurs ne vivront plus que pour perp�trer le souvenir de la tr�pass�e et lui vouer un culte fantasque. A notre grand dam, l�auteur ne s�attardera pas sur les lanceurs de couteaux, les pirouettes ni les tours de passe-passe sous le halo des projecteurs. A peine entendus les feulements dans la m�nagerie, on en vient aux liens �tranges qui soudent les comp�res, leur osmose funeste, et cette sorte de religion qu�ils pratiquent en leur huis-clos. Les m�urs sont assez libres dans ce groupe et Mira, vivante, passait de Zeppo � Nabaltar, puis � Helsior, un peu comme dans son m�tier, d�un trap�ze � l�autre. On lira la souffrance, partag�e elle aussi, la vengeance savamment orchestr�e, le manque puis le travail de grand deuil, laborieux. Presque rien ne nous sera cach�, de leurs intimes et soulageantes pratiques devant les reliques de la belle, bric et broc plus ou moins apocryphes.

On trouvera dans Les Reliques l�art de rendre un univers o�, pittoresques, aucun des protagonistes ne ressemble � notre voisin de palier. L�auteur s�est lanc�e dans un hardi num�ro de funambule avec, � un bout de la perche, le merveilleux qu��voque le monde des roulottes contrebalan�ant, � l�autre, les affres d�un chant fun�bre. Mais le filet sous-jacent g�che un peu le plaisir. La magie manque pour qu�on se p�me dans les gradins. La po�sie reste pr�sente, pourtant, au fil de ce bref roman, et c�est toujours agr�able. Elle est un peu ostentatrice, parfois, voire presque inopportune quand il s�agit d�exprimer la douleur. Mais quand nous sortons de sous ce chapiteau, le loupiot que nous avons red�couvert en nous s�est �veill� d�un long sommeil. Nous prend alors l�envie de lire � voix haute, les meilleurs d�entre eux se reconnaissant � leur capacit� de faire r�ver aussi les adultes, des livres pour vrais enfants. �a tombe bien, l�auteur sait faire.

Olivier Ngog