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Un homme heureux
 | | Un homme heureux Arto Paasilina Deno�l
     | Prix éditeur 19.00 euros
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Dans son neuvi�me roman traduit en fran�ais,
l�ouvrier-po�te-journaliste-�crivain finlandais,Arto Paasilina,
concocte un m�lange efficace et humoristique de pittoresque,
d�incongru et de satirique.
Un responsable de chantier soucieux du sort de ses ouvriers au
point de les inciter � prendre des pauses d�s leur premier jour
de travail ou � s�investir personnellement pour leur �viter des
ennuis financiers : trop beau pour �tre vrai ? Trop louche en tout
cas aux yeux des notables de Kuusm�ki, calme et paisible
bourgade de Finlande. L�homme par qui le changement arrive
n�a pourtant rien d�un r�volutionnaire au sens politique du terme.
C�est � l�ing�nieur qualifi� des Ponts et Chauss�es qu�il a �t�
fait appel, et non � un pr�tendu r�formateur social ou moral.
Mais voil�. Une seule fois par le pass� le calme de Kuusm�ki a
�t� rompu : en 1918, un sanglant affrontement a oppos� rouges
et blancs, au-dessus de la rivi�re, depuis lors rebaptis�e la
Tuerie. Et c�est justement le pont qui la surplombe que
l�ing�nieur Jaatinen est charg� de r�nover. Dans une r�gion o�
l�influence communiste demeure sensible, bien que taboue (le
roman a �t� �crit en 1976,ndlr), l�amorce d�un conflit sur les lieux
m�mes de ce douloureux pass� agit comme un r�v�lateur des
tensions et des conventions sociales.
Rien � redire objectivement aux comp�tences de l�expert
Jaatinen. Gr�ce � ses m�thodes modernes et les relations
saines qu�il a �tablies avec l��quipe ouvri�re, les travaux vont
bon train. Au grand dam de l��lite locale, les bons vieux clivages
sociaux, l�inertie bureaucratique et la mollesse des notables se
trouvent donc �branl�es par la simple venue d�un homme
ext�rieur � leur village, aux m�urs quelque peu lib�rales qui
plus est. � Ils sont comme �a. Il ne leur en faut pas
beaucoup, ils d�testent de toute fa�on tous les nouveaux venus
� et tout changement susceptible de bouleverser leur
confortable routine. Voil� donc l�occasion r�v�e pour ces � hauts
� fonctionnaires, habitu�s du Rotary Club et fid�les des bancs
de l��glise de s�unir face au soit-disant p�ril que repr�senterait
l�intrus perturbateur de leur douce inertie. R�elle crainte,
jalousie ou subite prise de conscience de l�ennui profond et
larv� qui rythme leurs journ�es ? Quoi qu�il en soit ces hommes
semblent trop heureux d�avoir trouv� une occupation et un
bouc-�missaire. Retrouvant ainsi un sens � leur vie, ils
d�ploient des tr�sors de machiav�lisme pour l�inciter � prendre
la fuite au point de s�immiscer dans sa vie priv�e. Mais qui
s�me le vent r�colte la temp�te. Fort de son bon droit, Jaatinen
s��vertue � donner raison � cet adage. Pas � pas, il �chafaude
une vengeance qui n��pargnera aucun des comploteurs
hypocrites et lui ouvrira finalement les portes de la gloire.
Au fil d�un r�cit qu�il agr�mente de rebondissements fructueux �
chaque chapitre, Paasilina oscille entre fable un tantinet
id�aliste, mais faussement na�ve, et satire mordante des
classes sociales dites sup�rieures, en r�alit� r�trogrades et
frustr�es. Surtout, moquant une derni�re fois la versatilit� de la
foule qui en vient � aduler Jaatinen apr�s l�avoir tant stigmatis�,
il formule un bel �loge de la pers�v�rance, qui finit par porter
ses fruits.
Paasilina a incontestablement de la suite dans les id�es. En
t�moigne une br�ve allusion au li�vre de Vatanen, titre de
l�un de ses pr�c�dents romans, qui lui permet un clin d��il au
lecteur fid�le, mais qui signale �galement qu�un v�ritable fil
conducteur anime son �uvre : la vie prend tout son sens hors
des sentiers battus et pour rien au monde l�authenticit� et la
sinc�rit� ne doivent le c�der au poids des conventions,
destructrices de cr�ativit�.
Un homme heureux donc au final, mais pas na�f ni b�at. Si le
bonheur n�est pas une donn�e, il se construit et est � la port�e
de quiconque s�en donne les moyens. Ignorez donc les
pessimistes selon qui le bonheur des uns ferait le malheur des
autres. Il semblerait au contraire qu�il soit extr�mement
contagieux. � d�faut d�un monde parfait, l�on aurait au moins
des hommes heureux. Beau message d�espoir et de solidarit�
dans un monde domin�s par les individualismes.
Laurence Bourgeon
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