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Ab�mes d�cevants
| | Falaises Olivier Adam L'Olivier
| Prix éditeur 18.00 euros
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En 2002, le troisi�me roman d�Olivier Adam, �Poids l�ger�,
nous avait ravi ; son premier recueil de nouvelles, �Passer
l�hiver�, avait ensoleill� l�hiver litt�raire 2004. Paru en septembre,
"Falaises" nous laisse h�las un peu sur notre faim.
Comme on est triste, quand on aime beaucoup un �crivain,
d��tre d��u par son dernier livre� Le jeune (31 ans cette ann�e)
et talentueux Olivier Adam est assur�ment l�un des auteurs
fran�ais les plus dou�s d�aujourd�hui. Et pourtant, � lire son
dernier roman, malgr� le fait qu'il soit sur les listes des prix de
novembre, on a l�impression qu�il a perdu cet on ne sait quoi de
force qui animait jusqu�ici son �criture.
L�espace d�une �ni�me nuit d�insomnie, sur le balcon glac� de
sa chambre d�h�tel � Etretat, tandis que femme et fille r�vent �
c�t�, le narrateur remonte par flash-back le cours de sa vie,
bris�e � onze ans par le suicide de sa m�re. Ici, des falaises o�
porte ce soir son regard, sa m�re s�est jet�e 20 ans auparavant,
tandis que son p�re, son fr�re Antoine et lui-m�me, dormaient.
De souvenirs en rencontres, d�errances en repos, Olivier raconte
ces vingt derni�res ann�es, o� �rester en vie a longtemps �t�
pour moi une activit� � plein temps, un programme, un horizon�
. Confront� quotidiennement � la violence morale, parfois
physique, d�un p�re d�pass�, il a, comme Antoine avant lui,
d�sert� au plus vite une maison morte qui n�avait plus de foyer
que le nom. L�-bas, �il ne fallait jamais faire de bruit ni
hausser le ton, il ne fallait jamais rire ni chahuter (�) il ne fallait
jamais lui r�pondre, jamais �mettre d�avis contraire au sien,
jamais �mettre d�avis tout court�� Sans avoir jamais parl�
avec lui, Olivier n�a recrois� son p�re qu�une fois, par hasard,
dans un bar.
Quant � son fr�re Antoine, il est devenu marin et les fr�res se
voient chaque fois qu�il fait escale en France : nuit de d�fonce,
entre alcool et coca�ne, qui se terminent toujours de la m�me
fa�on : �Jamais nous n�avons su parler autrement de la mort
de maman qu�en nous mouchant sur le visage l�un de l�autre, en
m�lant nos larmes et en nous serrant dans la nuit d�hiver�.
Un jour Antoine n�est plus revenu. Lui non plus.
Tout au long de ces pages, souvent poignantes, parfois
fastidieuses, le narrateur revient ainsi sur ces trois existences
souffreteuses, sur ces trois hommes r�unis par la m�me
douleur mais aussi s�par�s par elle, par la femme qui en fut
l�origine. D�autres figures f�minines croiseront le chemin
tourment� d�Olivier, toutes dramatiques, un peu trop donc.
Seules figures positives, Claire, la femme qui accepta de
prendre en main l��pave qu�il �tait devenu, Chlo�, la fille n�e de
ce couple bancal.
Dans ce livre aux allures de bilan, Olivier Adam dresse le portrait
tout en meurtrissures jamais referm�es, en coups accus�s et
rarement rendus, d�un homme qui se demande comment il est
encore l�. Gliss�es �a et l�, un certain nombre de similitudes
avec l�auteur (pr�nom, �ge, activit�, famille�), nous trouble
momentan�ment mais on se dit tr�s vite que l�int�r�t n�est pas
l�. Peu importe la fiction, la r�alit�, la part plus importante de
l�une ou l�autre ne fait pas d�un livre une r�ussite. De fait, le
tableau est noir, tr�s noir, on a du mal � se sauver de l�asphyxie
d�sesp�rante qui se d�gage du texte et le tandem Claire/Chlo�
nous semblent bien l�g�rement dessin� pour pouvoir porter tant
de d�tresse sur les �paules. Alors que l�Antoine de Poids
l�ger nous touchait de sa d�sarmante douleur, de ses
sombres mais belles contradictions, de ses sentiments qui ne
voulaient pas se nommer, l�Olivier ici s��panche un peu trop
pour provoquer notre �motion. On reste en lisi�re de sa douleur
affich�e, on plonge sans se sentir concern� dans cet ab�me
existentiel trop bavard. Bien s�r la plume dou�e d�Olivier Adam
est toujours aussi s�re et l�on ne regrette pas la lecture de ce
roman ma�tris�, au style parfaitement cisel�, aux mots qui
frappent, � d�faut d��mouvoir. On regrettera en revanche le
vertige qu�aurait d� nous donner la chute depuis ces falaises
glissantes et qui ne nous inspire, au final, qu�un tressaillement. Ma�a Gabily
+ Entretien avec Olivier Adam (Ao�t 2004)
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