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Le clone triste
   |   | La possibilit� d'une �le Michel Houellebecq Fayard
       | Prix éditeur 22.00 euros
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 Encore rat�. Houellebecq n�aura pas eu la cons�cration de  
l��lite mais continue � avoir celle du public, alors que La  
possibilit� d�une �le est son chef d��uvre...  
Possiblement.  
 
Daniel1, Daniel25� Entre eux, 24 g�n�rations de clones  
imposant � chaque fois une dilution hom�opathique �  
l�humanit� : la derni�re mol�cule est pourtant dans le corps de  
Daniel25. Infiniment dilu�e mais toujours pr�sente, l��me,  
comme un �ther, r�siste � toute dichotomie. On pourra  
reprocher ce qu�on veut � Michel Houellebecq mais pas son  
�troitesse de plume : il voit loin et large, le pitch de La  
possibilit� d'une �le s'en ressent.  
A contrario, tous les rets que l�inhumain auteur tend � son �  
h�ros �, Daniel, sont plus que triviaux. D�cr�pitude physique,  
n�cessaire d�nivellation de la verge, gravit� de la paupi�re  
et de la bajoue, nombril dardant les pieds� Michel Houellebecq  
aime bien travailler dans l�arch�type et l�air du temps. Daniel est  
l�urbain qui n�a pas connu de guerre ni de privation, et dont le  
cynisme s�est joliment �panoui, telle une fleur malade dans le  
velours tendu par ses parents et le conformisme contraint d�une  
soci�t� en retour d�utopie comme il y a des retours de flammes.  
Comique populaire de son �tat, sorte d�improbable chim�re  
entre Desproges et Bigard, l�immense succ�s de Daniel tient �  
la fois sa vulgarit� de bon aloi et � un sens suraigu du  
communautarisme. D�o� le fameux � Broute moi la bande de  
Gaza (mon gros colon juif) �, d�j� pass� dans les vannes grand  
public. Mais si Daniel est dangereux, ce n�est que pour  
lui-m�me. Etre dot� de cette arme terrible qu�est la r�flexivit� et  
ne pouvoir la retourner que contre soi, aboutit au suicide  
narcissique et n�a finalement qu�une conclusion : la souffrance  
puis la mort de l��go, cet oisillon par� comme un aigle pour  
briller au travail ou trouver un partenaire sexuel.  
 
Messie des communs 
Pauvre Daniel, Christ des poutres apparentes, envoy� au devant  
de la Mort de ses organes, tritur�, d�falqu�, fractur� et� sauv�  
par la religion. Attention pas n�importe laquelle. Pas ces  
monoth�ismes de fond de mill�naires que Daniel/Michel  
consid�re(nt) comme d�indiff�rentes passades : � peine  
certaines de leurs messies, doutant de l�homme, th�saurisant  
sur les espoirs de r�demption et de plaisirs c�lestes comme  
autant de VRP en cr�dit � revolving �.  
Non, foin de peuple �lu ou de troupeau b�lant. Cette religion est  
une vraie, une belle qui tient ses promesses comme une arme :  
celle de Ra�l et des �lohims. A la port�e du simple cotisant : la  
vie �ternelle, sous forme de double h�lice ADN congel�e et la  
survivance de l��me par le � downloading � m�moriel. Pour la  
premi�re fois, une religion a la capacit� de combler les espoirs  
qu�elle suscite. Le relativisme clinique de Michel Houellebecq  
n�en demandait pas tant pour dilac�rer ce qui restait de  
spiritualit� dans nos soci�t�s occidentales. M�me l�islamisme  
ne sera l�h�raut que pour un temps bref, selon lui, de cette  
certaine id�e de la religion qui nous valut les croisades  
chr�tiennes. Les gens finiront par se lasser. Tout simplement.  
Idem le sexe, alpha et om�ga de nos soucis, qui ne sera  
finalement plus qu�un loisir avant de sombrer sous les plats  
horizons.  
 
A la fin, r�vons. 
Il est entendu que Houellebecq est immens�ment  
cosmologiquement m�me, nihiliste et, cons�quence physique  
�vidente, froid et plat comme une limande congel�e. Mais  
paradoxalement, cette froideur est le sympt�me d�un sentiment  
humain, trop humain : la m�lancolie. Pas celle de l�ali�n� ou du  
saint, mais au contraire celle du lord apposant son visage fin �  
la fen�tre couverte de pluie, celle de l�artiste face � sa  
d�r�liction. Transpos�e, elle est dans La possibilit� d�une  
�le  la tristesse de l�homme pench�e sur sa queue  
d�sesp�r�ment flaccide. Toute soci�t� n�a que les d�sespoirs  
qu�elle m�rite et � beaucoup d��gards, Houellebecq ne fait que  
nous rendre la monnaie de notre pi�ce soci�tale. Le monde  
houellebecquien � 500, 1000 ou 2000 ans du n�tre n�est que la  
r�surgence d�une rivi�re souterraine, aussi vieille que l��me. Le  
� mal du si�cle � que pointait Chateaubriand est pour  
Houellebecq celui d�une esp�ce. Les hommes du futur ont  
vaincu tout sentiment � force d�aplanissement c�r�bral, reste le  
� d�sir du d�sir �, qui, inocul� � Daniel25, procure � La  
possibilit� d�une �le une fin en suspension, moins  
inexorable que ne laisse penser la machinerie nihiliste mise en  
�uvre au fil du livre. Si m�me Houellebecq se laisse aller au  
r�ve, tous les espoirs sont permis. Laurent Simon 
 
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