#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Maggie O�Farrell, la plus anglaise des Irlandaises

 La Distance entre Nous
Maggie O'Farrell
Belfond
Prix éditeur
20.00 euros

Maggie O�Farell vient de publier chez Belfond son trois�me
roman, La Distance entre nous, dans lequel elle fait
croiser les destins agit�s de Jake, un Anglais �l�v� au Japon
qui n'a jamais connu son p�re et Stella, immigr�e italienne par
ses grands parents qui vit en Ecosse et dont la relation
exclusive avec sa soeur Stella est tenue par un lourd secret.
Nous avons aim� parler avec cette jeune auteur, r�put�e
Outre-Manche parmi la rel�ve litt�raire, un talent simple mais
efficace qui se lit avec �norm�ment de plaisir et touche toutes
les g�n�rations.


Vous �tiez critique litt�raire, vous avez abandonn� pour vous
consacrer � l'�criture, je suppose que vous avez fait des �tudes
de lettres ?


Oui, j�ai �tudi� trois ans � la fac la litt�rature anglaise, ce qui est
assur�ment un atout quand on �crit : cela d�veloppe notre sens
de la lecture, ainsi bien s�r que la quantit� de livres qu�on peut
lire. Plus de r�f�rences, de bagages litt�raire avec �a.

Votre premier roman, Quand tu es parti, �tait fond�
sur une narration �clat�e entre fille, m�re et grand m�re. Dans
le troisi�me, vous r�utilisez cette multiple narration puisqu�on
est tour � tour dans les pens�es de Nina, de Stella, de Jack, de
leurs parents, de leurs grands parents� Qu�est-ce qui vous
int�resse dans ce proc�d� ? La famille est une donn�e
romanesque importante � vos yeux ?


J�aime multiplier les points de vue car je pense qu�une histoire
n�est pas le produit d�un seul regard, d�une seule personne.Il y a
au contraire de nombreux aspects � consid�rer pour une m�me
situation, et surtout dans les familles. Les familles sont si
souvent compliqu�es, les personnalit�s qu�on y trouve sont si
diff�rentes la plupart du temps.
Nous sommes tous individuellement � la fois le produit des
g�nes, des influences, des d�cisions qu�ont prises nos parents.
J�ai lu quelque chose � ce sujet qui avait plut�t � voir avec des
maths alors je ne sais pas si c�est valable mais pour une
famille de cinq personnes il y a 25 types possibles de relations :
je trouve que c�est fascinant d�y penser et d��crire � ce sujet. Les
relations diff�rentes entre les parents, entre les parents et leurs
enfants, entre les fr�res et s�urs : on peut �crire ind�finiment �
ce sujet tant les possibilit�s sont innombrables !

Oui mais parfois, on est perdu, surtout au d�but, on ne sait
plus tr�s bien qui parle�


Cet aspect assez complexe est d�lib�r�, je trouvais int�ressant
de mettre au d�fi le lecteur, sa compr�hension, m�me si c��tait
aussi prendre le risque de le lasser. La narration de mon
prochain livre est plus simple. D�un autre c�t�, je pense que �a
refl�te bien la vie qui nous bouscule, qui nous demande
justement cette concentration face � son d�sordre, cette
capacit� � attraper au vol les �v�nements inattendus qui la
constitue. Je crois que j��cris comme je consid�re le monde :
quelque chose de chaotique, des gens qui parlent, bavardent
sans cesse, c�est la vie que je ressens ainsi.

La Distance entre nous explore diff�rents aspects
d�un m�me th�me : la diff�rence (entre malade et bien portants,
entre Anglais pure souche et immigr�s italiens, entre
Europ�ens et Asiatiques). Vous-m�me �tes n�e en Irlande du
Nord, vous avez grandi en Ecosse et vivez maintenant � Londres
: c�est une question qui vous touche ?


Je pense en effet qu��tre irlandaise et vivre en Grande Bretagne
est une des raisons qui m�ont donn� l�envie d��crire ce livre.
Plus jeune, j�ai le souvenir qu�on m�ait demand� r�guli�rement :
� d�o� viens tu ? � et qu�au lieu de r�pondre un mot, comme on
pouvait s�y attendre, je racontais toute une histoire ! J�ai toujours
�t� jalouse des gens qui pouvaient d�finir en un mot leurs
origines, dire � je suis grec �, tout simplement. Je voulais �tre
comme eux, pouvoir me dire que j�appartenais � un seul lieu.
Mais c�est vrai aussi que cette complexit� des origines est de
plus en plus fr�quente, les gens vont d�un
pays � l�autre bien plus souvent qu�avant.

Mais dans votre livre, on a vraiment cette impression que
Nina et Stella enfants souffrent de leurs origines italiennes, que
la maladie de Nina va accentuer encore leurs mauvais rapports
avec leurs camarades qui refusent la singularit�


Les enfants sont toujours rapides � remarquer les personnes
diff�rentes d�eux, celles qui ne parlent pas pareil, ne leur
ressemble pas et ils voudront tout de suite savoir pourquoi.
Je pense qu��tre Irlandais en vivant en Ecosse, quand j��tais
petite �tait difficile,, les gens voulaient savoir d�o� je venait
pourquoi j�avais ce dr�le de nom. L�Irlande est � l�Angleterre un
peu ce qu�est la Belgique au niveau des blagues ! Je me
souviens que m�me les repas de ma m�re �taient un peu
diff�rent que et mes camarades me demandaient � Quel est ce
dr�le de pain que tu manges ? �. Ce genre de souvenirs vous
marquent bien s�r mais je ne voulais pas �crire sur des
Irlandais en Angleterre car d�abord beaucoup de gens l�ont d�j�
fait, et tr�s bien, ensuite parce que je n�aime pas �tre dans
l�autobiographie. Du coup, c��tait plus int�ressant d�imaginer ce
que cela pouvait donner d��tre Italien en Ecosse. Si ma propre
histoire a bien influ� sur ce th�me, je l�explore sous un autre
aspect, compl�tement imaginaire.

Votre livre parle d�amour, bien s�r, mais aussi de relations
fraternelles (avec Nina et Stella) et, � travers Jake, d�une
recherche du p�re. Ce sont des th�mes auquels vous �tes
particuli�rement sensibles ou �tait-ce simplement pour les
besoins de l�histoire ?


En fait, l�histoire de Jake est fond�e sur celle, vraie, d�un ami
dont la m�re tomba enceinte d�un homme qu�elle ne revit plus
jamais apr�s leur nuit pass�e ensemble. Mon ami pensait
souvent � ce p�re inconnu mais lui, contrairement � mon
personnage, n�a pas souffert d�une absence paternelle car sa
m�re s�est mari�e deux ans apr�s sa naissance avec un
homme qui l��leva comme son fils : il ne peut donc pas
m�accuser de lui avoir vol� toute son histoire ! Je sais en tous
cas que malgr� tout, il a toujours dans un coin de sa t�te ce
p�re disparu et ce sujet, ce manque parental m�interpelle,
d�autant que je vois bien que ce sont des situations qui
continuent de se produire chaque jour. Cependant, je voulais en
faire une histoire positive, les liens entre Jake et sa m�re sont
forts, tous deux sont plein de tendresse l�un pour l�autre. En fait,
c�est dr�le parce que plusieurs amis hommes qui ont lu mon
livre m�ont dit ensuite qu�ils avaient cette peur parfois d�avoir
laiss� un enfant derri�re eux � la fin d�une liaison, sans le
savoir.

Dans votre livre, c�est comme si l�amour �tait la solution �
tout, c�est votre avis ?


Au d�but de mon livre, je cite une phrase de l�auteur am�ricain
Jay McInerney. J�aurais aim� �galement citer ces mots de lui : �
vos amis sont un bon moyen de remplacer votre
famille �. Je pense la m�me chose des gens dont on tombe
amoureux : quelques que soient les difficult�s, la chance, ce
dont vous h�ritez de votre famille, votre pass�, la personne
qu�on aime peut colmater, r�concilier tout �a. C�est un peu
comme une nouvelle famille. En ce sens, trouver l�amour au
milieu d�une qu�te personnelle comme c�est le cas de mes
personnages, Stella et Jake, peut signifier pour eux un
apaisement, une accalmie de leurs probl�mes. A vrai dire,
j�aimerais que l�amour permette vraiment de tout arranger
dans la vie, mais ce n�est pas toujours possible�

Certains critiques ont compar� votre second livre �
R�becca de Daphn�e du Maurier : quels sont vos propres
r�f�rences litt�raires ?


Un de mes livres favoris est Jane Eyre de Charlotte
Bront� et j�aime effectivement R�becca. Sinon, Tolsto�,
Flaubert� Quand j�avais 16 ans, j��tais aussi folle d�Albert
Camus. Actuellement j�appr�cie ?? Et en France, Marie
Darrieussecq. En fait je lis autant de contemporain que de
classiques et je m�int�resse aussi � la po�sie.

Et vous avez une id�e de votre prochain roman ?

Oui puisqu�il est fini ! Il sera publi� l�ann�e prochaine au
Royaume Uni. Pour la premi�re fois, j�ai �crit un livre plut�t
historique. Cela se passe au 19�me si�cle. J�ai du faire
beaucoup plus de recherches pour ce roman que pour les
pr�c�dents mais c��tait passionnant.

Ma�a Gabily



 
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