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Le monde de Billia, Chapitre 1
| | La sorci�re et le caillou Laurent Billia L'Harmattan
| Prix éditeur 16.00 euros
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Quand le roman et la po�sie fusionnent, on peut s�attendre
au pire comme au meilleur� Dans La sorci�re et le
caillou, Laurent Billia parvient � r�unir les contraires. Une
curiosit�.
Il existe parmi nous des lecteurs qui doutent de leur capacit� de
lecture� Des lecteurs que l�on pourrait qualifier de complex�s,
ou de mal assur�s. Des personnes qui, parfois, ont tendance �
se dire que tel ou tel ouvrage sera toujours hors de leur port�e.
Que ce roman l�, elles ne pourront jamais s�y coller : on peut
citer � cet effet la Recherche de Proust, qui a d�moralis�
les g�n�rations d��tudiants� L�inaccessibilit� litt�raire est-elle
une illusion ou une r�alit� ? Peut-on r�ellement se sentir
exclu(e) d�une �uvre, de son pouvoir, de ses attractions ?
Peut-on s�av�rer herm�tique au talent, voire au g�nie ? Nous
dirons plut�t que certaines �uvres, difficiles d�acc�s,
demandent une attention particuli�re pour pouvoir s�y plonger
avec d�lice. C�est le cas ici. Apr�s un premier roman, Le
Huan (sorti en 2003), Laurent Billia signe une �uvre dense,
qui m�le accents oniriques et asp�rit�s s�v�res. Partout, le style
abonde d�images et de r�f�rences, d�all�gories et
d�illuminations.
H�ros imaginaires ?
Le h�ros s�appelle Le Caillou, et la sorci�re du titre n�est jamais
r�ellement nomm�e comme telle � on la devine, plut�t. Diffus,
confus, les personnages n�ont de consistance qu�au sein de la
trame, prise dans sa globalit�. En clair, on n�entre pas dans
La sorci�re et le caillou comme dans un vulgaire roman
de gare : sans aller jusqu�� dire qu�un dictionnaire est � garder
pr�s de soi durant sa lecture, on avancera tout au moins que
son �criture exige un �il aiguis�. La plume de Billia est exquise,
c�est un fait� On n�a m�me de cesse de relire et de recopier
des morceaux de phrases,
tellement les explosions de po�sie ponctuent les pages de cette
histoire. Sorte de polar macabre et improbable, le roman � mais
en est-il seulement un ? � tra�ne son lecteur dans un non-dit
constant et perp�tuel : comme s�il fallait s�accrocher aux lignes
et aux paragraphes pour ne pas en perdre le fil. Tenace, le
lecteur patiente et finit m�me par s�enorgueillir de lire pareille
�uvre. Omniscient, Billia semble prendre un malin plaisir �
brouiller les pistes, � dire puis dissimuler, � �blouir. Il
m�taphorise la moindre des situations et tient le lecteur pour
seul t�moin de son intrigue : omnipr�sent, il ne le fera jamais
participer en tant qu�acteur.
Quelle est la recette des grands romans ? Existe-t-elle
r�ellement ? N�est-elle pas plut�t d�celable dans le regard du
lecteur ? Y aurait-il des cat�gories de lecteurs ? On finit par opter
pour un vieil adage � celui qui veut que tous les go�ts sont dans
la nature � et on se dit que ce Caillou et cette sorci�re
passionneront sans aucun doute un autre lecteur, avide de sel
et de flammes. Quant � nous, on pr�f�rera d�autres sources de
chaleur. Julien Canaux
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