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La peau trop fine
| | Kafka sur le rivage Haruki Murakami Belfond
| Prix éditeur 23.00 euros
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Apr�s Chronique de l�oiseau � ressort et les
Amants du Spoutnik, c�est un nouveau monde, toujours un
peu plus fantastique, hypnotique aussi, que nous livre Haruki
Murakami, qui dit-on ici et l� ferait un excellent prix Nobel�
Ce n�est pas l�histoire d�un praguois post� devant la mer. Non
c�est l�histoire de Kafka qui cherche sa m�re. D�ailleurs n�est de
kafka�en que le nom du narrateur. Kafka Tamura, 15 ans, fuit.
Une fugue pour �chapper � une mal�diction et retrouver sa
m�re. Une terrible proph�tie �dipienne orchestr�e par son
p�re. Fuir le parricide, �viter l�inceste, tel est la qu�te du jeune
Tokyo�te. " J'ai pens� que l'anniversaire de mes quinze ans
�tait le jour id�al pour m'enfuir. Avant c'�tait trop t�t, et apr�s, il
sera peut-�tre trop tard. J'ai pass� les deux derni�res ann�es,
mes ann�es de coll�ge, � m'entra�ner en vue de cette
fugue."
Sur l�autre rive, un vieil homme, Nakata, unique victime d�un
myst�rieux coma qui a frapp� un groupe d�enfant apr�s la
guerre et lui a fait perdre ses possibilit� intellectuelles. Un
simple d�esprit, un idiot qui parle aux chats. Mais on a beaucoup
� apprendre de l�idiot. N�est-ce pas Dost� Il se met en chemin
pouss� par une force obscure. �nigmatique il ne communique
pas avec les humains. Alors il parle aux chats, d�abord du temps
qu�il fait, puis des le�ons venues du Ciel. Ces deux trac�s
parall�le finissent par se couper, berc� par le songe, l�hypnose
et la magie de Murakami.
Les sentiers de la perdition
En chemin on croise tour � tour Johnie Walker, botte de cuir,
redingote rouge et chapeau haut de forme. Chez Murakami, le
whisky, toujours. On rencontre �galement le colonel " je suis un
concept abstrait ", qui prend l�apparence d�une ic�ne du
capitalisme (Kentucky Fried Chicken). Chez Murakami,
l�Am�rique, toujours. On �coute Coltrane, Schubert, Beethoven.
Chez Murakami, la musique, toujours. Sur la route aussi, une
prostitu�e fan d�Hegel, des poissons tomb�s du ciel et des
soldats de la seconde guerre qui n�ont pas vieilli. Dans
l�inconscient le temps n�existe plus. L�urgence de Kafka sur le
rivage r�side dans le traitement du destin. La malveillance
s�incarne par la proph�tie �dipienne. S��loigner le plus
possible de la r�alit� pour finalement se la repr�senter le mieux.
Mais o� trouver refuge quand on est la proie d�une implacable
machine infernale ? Une biblioth�que ? Peut-�tre.
Tout est m�taphore
La diff�rence entre le corps et l��me tient souvent � pas
grand-chose. Il en est de m�me chez Murakami. La distance
entre le sc�nario et le roman est infime dans son �criture.
Nourrie de cin�matographie, elle est visuelle. Tr�s. L��cart qui
s�pare le songe de la r�alit� est �ph�m�re. Alors on repose le
livre et l�on songe�L��l�gance japonaise d�une �criture o� le
t�n�breux go�t du sak�, m�l� au fleurissement des cerisiers
installent Haruki Murakami sur la rive des tr�s grands, et �a
n�est pas Kafka qui d�mentira. Charles Patin O'Coohoon
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