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Le meilleur d�tective du monde...
| | L'Homme sans pass� Robert Crais Belfond
| Prix éditeur 20.00 euros
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A la fois virtuose et bourr� de clich�s, ce nouvel opus des
aventures d�Elvis Cole use les ficelles du polar jusqu�� la corde.
Mais fait quand m�me son petit effet�
On n�a pas trop envie de l�admettre, mais il va bien falloir : c�est
vrai, Robert Crais va plaire au plus grand nombre.
Particuli�rement g�n�reux dans l��chafaudage de son intrigue,
l�Am�ricain nous m�che le travail en permanence, si bien qu�on
n�a plus qu�� laisser nos yeux courir sur les lignes : pas besoin
de r�fl�chir, la machine le fait pour nous ! Aussi bien huil� qu�un
bon gros blockbuster au cin�ma, L�Homme sans pass�
respecte point par point les �tapes du thriller de base : prologue
myst�rieux emprunt� au pass� du protagoniste, d�veloppement
tout en surprises et �pilogue tout en chaos. En piochant dans sa
culture maternelle, Crais fait donc na�tre le meilleur mais
emprunte aussi au pire : un esprit de contradiction qui a tout
pour plaire, en d�finitive.
Le jeu du thriller
Le pire �tant, peut-�tre, cet attrait continuel pour les st�r�otypes
hollywoodiens � un choix tartin� d�ironie ? Le d�tective est
m�lancolique mais bourr� de charme, le pass� familial qui y est
�voqu� est trouble mais somme toute assez banal, le tueur est
m�thodique� Tous les ingr�dients sont l�, le fil rouge est
�vident. Elvis Cole, dont les p�rip�ties ont noirci les pages de
sept pr�c�dents volumes, va de nouveau �tre confront� � ses
d�mons : familiaux, ceux-l�� Flanqu� de son plus fid�le
acolyte, le tr�s taciturne Joe Pike, et de la jeune Carol Starkey
(qu�on retrouve d�ailleurs comme h�ro�ne d�un autre roman de
Crais), celui que tous les journaux de L.A. appellent � le meilleur
d�tective du monde � est projet� dans une affaire o� ses
propres racines flirtent souvent avec celles du mal. Dans les
quelques moments o� l�on d�croche r�ellement de l�histoire, on
ne peut s�emp�cher d�entendre la voix tra�nante de Cole en
off, comme dans les plus vieilles s�ries polici�res. Tout
comme on ne cesse de peindre cette Cit� des Anges en noir et
blanc.
Cluedo
A partir de l�, le meilleur peut enfin �merger : telle une cam�ra
insidieuse, la plume de Crais �claire tr�s vite les situations
obscures pour le lecteur, � travers un fin syst�me de
focalisations. Ainsi, l�alternance de la premi�re personne �
lorsque Cole prend la parole � et de la troisi�me � quand on suit
les pas silencieux du tueur, par exemple � conf�re tr�s vite �
l�intrigue un confort de lecture qui ne s�estompera jamais. Le
lecteur se voit donc ballott� par les intemp�ries, mais se
retrouve constamment en focalisation omnisciente : il d�couvre
les indices en m�me temps qu�Elvis Cole, puis se r�v�le t�moin
impuissant des intentions du tueur. Le lecteur endosse alors
toute sa dimension d�acteur et le consensus est d�voil� :
l�auteur, l�histoire et le lecteur jouent le jeu du thriller. Des
chapitres courts, une narration incisive et des mots parfaitement
choisis : on l�aura compris, l�auteur n�y va pas avec le dos de la
cuill�re. S�duit par ce jeu, par cette connivence entre lecteur et
auteur au sein m�me du thriller � car peut-on prendre les
choses plus au s�rieux ? �, on finit par se dire que Robert Crais
ma�trise d�finitivement les conventions du genre. Et qu�il les
partage dr�lement bien. Julien Canaux
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