Augusten se définit d’abord par ses tares qu’il énumère lui-même, « crainte de l’intimité, dysfonctionnement sexuel, comportement compulsif, angoisse et diverses obsessions ». On pourrait croire que cela suffit largement à en faire un personnage antipathique mais il est aussi égocentrique, maniaco-dépressif, imbu de sa personne, boulimique de M&M;’s, hystérique, fourbe, incompris, pleutre… La liste est infinie tant Augusten abrite en son sein l’ensemble des névroses de cette planète. Cependant, il reste un personnage très attachant, un ovni tombé par erreur sur ce monde qu’il ne comprend pas et qui ne le comprend pas. Très tôt d’ailleurs, Augusten sait qu’il n’est pas à sa plaCe au sein de sa famille. Persuadé d’être le fils caché de la prestigieuse famille Vanderbilt, abandonné, ou pire kidnappé à sa naissance par ceux qu’il a du mal à considérer comme ses vrais parents. Mythe ou réalité Le livre foisonne de détails qui, bien loin d’ancrer le lecteur dans la réalité, le perdent sous l’avalanche alors qu’il ne peut s’empêcher de sourire face à la précision de l’imaginaire (?) de l’auteur qui n’hésite pas à mélanger des scènes réellement vécues, des scènes inventées par son subconscient et l’omniprésence de la publicité. On peine à imaginer l’existence d’une femme de ménage naine tyrannique qui prend peu à peu possession de la vie de l’auteur sans jamais pouvoir nettoyer quoi que ce soit situer à une hauteur de plus d’un mètre cinquante du sol. Et pourtant sous la plume de l’auteur, tout ceci semble presque naturel. On se dit que finalement, peut être que nous aussi si nous trouvions « la chose rat » dans notre baignoire, nous ne nous laverions plus qu’à l’eau d’Evian. L’auteur joue à nous perdre à chaque instant, offrant différents de réels qui constituent l’ensemble de sa personnalité. Auto-Psychanalyse On se souvient que dans Courir avec des ciseaux, Augusten avait été confié durant son enfance à un psychanalyste dément. Cette influence se ressent sur la personnalité d’Augusten et donc sur son œuvre. Augusten décortique chaque instant de sa vie, tentant d’avoir une prise sur un réel qui lui échappe. Intellectualisant et ritualisant tout, il passe finalement à côté de la vie tout en réussissant à sa manière. Mais en faisant cela, il ne devient que le pâle reflet de lui-même. C’est donc un livre sur la quête de soi, sur le désir de se débarrasser de la pensée magique soit « la croyance qu’on peut exercer sur les événements une plus grande influence qu’on ne pense. » L’engagement Il y a deux sortes d’engagements dans le livre. L’engagement politique dans un premier temps avec par exemple des questionnements sur la place des transsexuels dans la société et le regard que l’on peut leur porter. Ou encore la critique de l’absurdité du monde contemporain et de la poudre aux yeux que nous rabâche le culte de l’image à travers le bref passage de l’auteur dans une école de mannequinat qui ne l’aidera finalement qu’à accentuer ses névroses déjà lourdes. Mais le véritable engagement de l’auteur est amoureux. Après avoir vécu une vie « amoureuse » dissolue avec des prêtres et ou un croque-mort, Augusten rencontre Dennis. Un homme sobre, classique, qui lui permet de vivre une relation harmonieuse bien que parfois difficile. Malgré les épreuves, Augusten arrive à trouver un équilibre, répondant à la question qui sous-tend l’ensemble de son œuvre : comment gérer la crise de la quarantaine quand celle-ci survient chaque année de sa vie depuis que l’on est en âge de formuler une pensée cohérente ?
Maixent Puglisi
Pensée magique Augusten Burroughs Ed. Heloïse d'Ormesson 285 p / 19 € ISBN: 2350870731
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