Un titre évocateur, Résistance, écrit en caractères jaunes sur fond rouge. C'est hautement symbolique. Aurions-nous affaire à une oeuvre subversive... Que nenni! En ces temps d'agitation politique, le révolutionnaire qui est en vous s'est réveillé. De retour de la dernière manifestation nationale, aphone et fatigué, vous tombez sur ce livre. Encore sous le coup de l'exaltation que vous venez de vivre, vous entrez dans la librairie pour l'acheter. "Une lecture de circonstance" vous vous dites. D'autant que la quatrième de couverture est alléchante : " résistance à l'ignorance, à notre refus d'ouvrir les yeux, à notre surdité." Avec pareille annonce, ce livre ne peut que ruer dans les brancards... Et l'histoire s'annonce bien. Le narrateur, un dénommé Owens Daniels, conservateur d'art indépendant, reçoit une lettre du ministère de l'intérieur américain. Il le menaçe, lui et son réseau "d'activistes", d'être poursuivis, interrogés et condamnés pour avoir instillé la terreur dans l'imagination de leurs compatriotes. Les huit autres membres du groupe ont eux aussi reçu ce courrier. Cependant l'action, le récit d'une possible révolution, celle que nous avons imaginé à la lecture de ces lignes, ne se produit jamais. En réalité, Résistance, est une succession de chroniques où l'auteur fait tour à tour parler les neufs membres du groupe. Judicieux étant donné le contexte du roman. Le hic, c'est qu'il ne crée aucun lien entre les personnages, censés se connaître et partager le même objectif : résister à la somnolence actuelle qui affecte les Hommes. En conséquence de quoi leurs discours ne trouvent pas d'écho porteur puisque chacun fait son petit laius dans son coin. Certes Barry Lopez l'a voulu ainsi et il ne s'agit pas de remettre en question la direction retenue. Tout récit possède sa trame, et ce quelle que soit sa forme. Sauf que la sauce ne prend pas. Non seulement car les protagonistes sont isolés, mais aussi et surtout parce que l'on est en face d'une bande d'intellectuels enfermés dans leur petite bulle et distanciés des réalités quotidiennes. Outre le conservateur d'art, une architecte rongée par une perte de sens, un médecin qui a rencontré mère Thérésa, une traductrice de langues sino-tibétaines obnubilée par son travail découvrant l'amour... Tous vivent à l'étranger, ont une belle carrière, mais souffrent d'un vide existentiel. C'est que penser notre monde et son lot de violences, d'injustices et d'absurdités, c'est douloureux! Ils racontent leurs parcours respectifs et le combat qu'ils se sont découverts. Mais ce dernier n'est jamais clairement défini. Evidemment ils font preuve d'une lucidité indéniable sur les maux qu'ils dénoncent mais ils sont tellement égocentriques et moralos qu'ils en deviennent ridicules. Il y a tromperie sur la marchandise. Au sein de cette gentille petite troupe, les esprits sont moins rebelles que dépressifs. Le livre est riche de réflexions politiques appuyées par l'Histoire. Ces dernières se fondent et collent à la peau de ceux qui les tiennent. Mais elles sont froides et suspendues dans les sphères de l'intellect, comme le sont, d'ailleurs les "dits" résistants. C'est agaçant et l'on s'ennuie très vite.
Doreen Bodin
Résistance Barry Lopez Ed. Actes Sud 186 p / 19 € ISBN: 2742760350
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