Les Brèves

Un prix pas si discret
Un prix pas si discret
La France compterait autant de prix littéraires que de jours de l'année, de villes ou de cours d'eau, ...

les nouvelles ont aussi leur Goncourt
les nouvelles ont aussi leur Goncourt
Après le Goncourt des lycéens et le Goncourt du premier roman, la sélection du Goncourt de la nouvelle ...

PPDA : des ventes plagiées ?
  PPDA aussi bien que Hemingway ? Les chiffres des ventes de Hemingway, la vie jusqu’à l’excès ...

Linda Lê reçoit le prix Wepler
Linda Lê reçoit le prix Wepler
Un des derniers de la saison, le prix Wepler-Fondation La Poste a été attribué à Linda Lê pour ...

George Bush auteur de "crime novels"?
George Bush auteur de
Déplacer les volumes des mémoires de George Bush récemment parus dans la section "crime fiction" ...

Le Angot nouveau sera chez Flammarion en janvier
Le Angot nouveau sera chez Flammarion en janvier
De l'Arpenteur à Stock, de Flammarion au Seuil... et retour chez Flammarion. Christine Angot pulbiera ...

palmarès des prix de saison
palmarès des prix de saison
Ainsi soient-ils. Les jurys des prix littéraires 2010 se sont (presque tous) prononcés et les lauréats ...

Un pont pour le Medicis
Un pont pour le Medicis
C'est au tour du jury du prix Medicis de mettre au jour son palmarès de l'année 2010. A savoir: Maïlys ...

06

Fév

2006

Jules Ferry intra-muros
Écrit par L'équipe de Zone   
Enseignement et déboires avec Francois Bégaudeau que
nous suivons à Paris intra-muros, au cœur d’un collège public
du 19ème arrondissement. Pas facile tous les jours, m’sieur
!


Enseigner, quel beau métier ! Peut-être le plus beau du monde
à ce qu’on dit... La transmission du savoir, le partage, autant de
sources de réjouissances... Bien des choses ont changé
pourtant depuis les blouses obligatoires et les phrases de
morale quotidiennement affichées au tableau. À présent ce sont
les marques américaines et les numéros des footballeurs
fétiches qui ornent tour à tour le dos des collégiens. Eux-mêmes
aussi charmants et bigarrés que l’origine de leurs prénoms et le
panachage de leur vocabulaire.
Mais il n'y aurait plus de respect de l’autorité ni des anciens
déplorent certains. N’oublions pas non plus que les parents de
Souleymane, de Tarek ou de Mezut ont certainement connu une
enfance un tantinet différente de celles des Français "AOC".
Déracinement géographique, réinsertion culturelle et sociale, et
souvent perte de la langue maternelle, inévitablement, ça
brouille certains repères. Aussi les nouveaux hussards noirs de
la république en charge de la transmission du sacro-saint
"socle commun de connaissances" se trouvent-ils fort
dépourvus lorsqu’ils se voient en charge de préparer pêle-mêle
au Brevet des Chinois arrivés de fraîche date et d’autres
"sauvageons" plus intégrés. Les circulaires et réunions au
sommet ont beau se multiplier, les décisions jargonnantes qui
en résultent tendent à demeurer lettres mortes. Du coup, c’est
derrière l’instauration d’un rituel quasi-policier qu’ils se
réfugient, faisant du remplissage des fiches d’incident et des
rappels à l’ordre un véritable leitmotiv.

Docu-fiction

Entre les murs : roman ou témoignage ? Un peu des deux,
évidemment. Alternant les confrontations avec les classes et les
conversations entre membres de la congrégation enseignante,
Bégaudeau témoigne avec une sympathie satirique du quotidien
de ces professeurs, souvent apparenté à un labeur et un
combat répétitif. Ce qui est un peu pesant parfois pour le lecteur
qui aimerait une évolution plus rapide mais éprouve ainsi toute
la pesanteur de leur quotidien... À qui la faute pourtant ? À ces
jeunes si dissipés ou à ces professeurs méritants à qui la
patience fait toutefois fréquemment défaut ?
Avec une ironie filée, Bégaudeau ne se prive en effet pas de
questionner la République sur l’adéquation de ses valeurs aux
mutations de la société française, et surtout de titiller la sincérité
des profs. Certains semblant plus attirés par le fonctionnariat et
ses avantages que par une vocation de
pédagogue. Le profil du premier de la classe tant apprécié a
peut-être disparu. mais rien n’est moins sûr. Et les professeurs
sont loin d’être irréprochables.

On reprend pour les deux du fond

C’est en effet bien de la langue de Molière dont il est aussi et
d’abord question dans cet ouvrage profondément oral dans sa
composition où les dialogues l’emportent. Nul hasard donc à ce
que ce soit à un professeur de français que François
Bégaudeau ait choisi de s’attacher plus particulièrement. Plus
qu’en pédagogue, c’est en interprète qu’il se doit d’agir. À l’art
de manier l’euphémisme et le politiquement correct de nombre
de ses supérieurs, il doit associer et arbitrer le naturel sans
vergogne de ces jeunes parfois décourageants mais finalement
souvent attachants dans leur sincérité. À l’encontre du conseil
proféré à un de ces élèves pour la réalisation d’une rédaction,
Bégaudeau écrit donc comme on parle. Un peu paradoxal pour
un écrivain de prime abord. Profondément efficace en réalité
puisqu’il parvient ainsi à lier les langues de bois de ses
supérieurs aux langues de vipères des collégiens.

Ainsi produit-il un véritable plaidoyer pour la langue comme
vecteur d’intégration et base fondamentale des échanges
humains et fondement de l’identité dans les possibilités de
réappropriation qu’elle offre. Le réalisateur Abdellatif Kechiche
avait déjà proposé ce pont qu'est le langage dans son très beau
film L'Esquive, sorti en 2004. Aussi triturés, déformés, et
recomposés qu’ils soient, les mots demeurent au cœur de tout
échange et forme de communication humaine. S’ils témoignent
inévitablement d’un certain décalage entre générations et
classes sociales, ils sont surtout le signe de l’évolution de la
matière langagière. Ce qui est malgré tout un bon signe
d’adaptation et de résistance du français en ces temps
d’anglicisation et de mondialisation. Détourné ou en verlan il
résiste et demeure l’objet d’un profond respect. En témoigne
l’obstination touchante de cet élève qui s’obstine à réclamer des
dictées à chaque cours de français.

Au terme d’un constat quelque peu sévère, au cours duquel le
lecteur a parfois tendance à s’essouffler, une certitude toutefois :
les gentils petits diables d’aujourd’hui ne demandent qu’à être
entendus et compris. Et si les scores des matches de leurs
équipes favorites rythment l’année avec plus d’efficacité que les
contrôles, il est clair que chacun doit apprendre à peser ses
mots.

Laurence Bourgeon

Zone Littéraire correspondant

Entre les murs
François Bégaudeau
Ed. Verticales
0 p / 16 €
ISBN: 2070776913
 
Joomla SEF URLs by Artio

News

Nos dernières interviews

Who's Online?

Nous avons 13 invités en ligne