13 Nov 2010 |
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I rouge, U vert, E blanc, O bleu… Il joue avec la langue, Pierre Ducrozet, dans une valse des couleurs et des sentiments qui donnent agréablement le tournis. Dans Requiem pour Lola rouge, l’amour est partout et sert de base à une expression riche en images, à une floraison de jolis mots qui rappellent pour beaucoup le virtuose des Illuminations…
Il avait créé une langue, avec ses voyelles colorées… Pierre Ducrozet, lui, prend la suite et recrée la poésie lyrique à chaque page, dans une liberté et une décontraction toutes séduisantes. Tel un journal de bord bancal et déstructuré, Requiem pour Lola rouge alterne récits oniriques et courts chapitres rocambolesques, menés par un jeune dandy d’une sensibilité extrême, exilé aux quatre coins du globe. Tour à tour amoureux fou, cambrioleur torturé puis globe-trotter à la recherche d’expériences artificielles, notre narrateur conte l’histoire d’une obsession… Celle d’une jeune femme au prénom fantasmatique, Lola, rouge comme son prénom l’indique. À vrai dire, dans cette musique des mots et des sonorités, on ne sait jamais sur quel pied danser : est-on dans l’imaginaire ? Dans la vraie vie ? Dans un tendre mélange des deux ? Le romancier poète parvient à nous prendre par la main, à nous élever avec lui dans son ascension… La quête relève alors de l’inaccessible, on ne sait pas bien où l’on va. On monte et on chute. Mais partout, toujours, on est rattrapé avec douceur ; cotonneuse et sucrée, la voix que l’on écoute serait presque familière… Requiem pour une folle Pierre Ducrozet semble se jouer de nos doutes en catapultant narrateur et personnages dans un univers de sensations… Rarement dans des scènes concrètes et palpables. En constante recherche d’échappées belles, P. court après le temps – et après Lola, surtout. Lola l’imperturbable, Lola l’insaisissable, Lola la mystérieuse… Est-elle matérielle ? Est-elle simple projection ? Quand elle apparaît, on pense à Madame Arnoux devant Frédéric. Elle lui demande si elle est belle dans ses rêves, il lui répond qu’elle est plus que cela : étincelante… À différents endroits du monde, Bonnie et Clyde poussent des portes et se confrontent à ce qu’il y a derrière. Epris de rouge, de blanc, de rose, ils essaient de s’aimer… Jusqu’au trou béant final pour notre narrateur, jaune abyssal. Quand Pierre Ducrozet joue avec les mots, on assiste à la naissance d’un premier roman d’une rare qualité, bourré de style, avec un réel travail sur les dialogues et les échanges entre les personnages. Les conversations ne sont jamais très réelles, et pourtant, elles nous parlent – le talent de nous faire croire à l’impossible, peut-être… Les styles, les temps, la grammaire, les ponctuations, les sens, les images, tout nous ramène au plaisir des mots, au goût des belles phrases. Une belle plume, Pierre Ducrozet ? Une âme poétesse, assurément : d’un bleu marine profond…
Pierre Ducrozet Grasset 180 p. -16 €
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