12 Sep 2010 |
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Monika travaille dans un institut de beauté. Elle observe et touche chaque jour les corps d’autres femmes. Et rendez-vous après rendez-vous, les peaux sont exfoliées, les pudeurs levées, les secrets révélés.
Monika, jeune esthéticienne, passe la majeure partie de son temps à l’institut dans lequel elle travaille. Elle écoute jour après jour les histoires de ses clientes. Corps est le récit de ces séances. Il y a la femme du boucher. Sa peau, continuellement marbrée, porte les stigmates du froid qui l’entoure. Puis il y a Alix, une femme plutôt banale. Sa vie ne passionne pas Monika. Sauf lorsqu’elle lui parle de cet homme envoûté par son odeur naturelle. Monika décèle dans ce détail ce qui l’intéresse profondément : la vérité d’un corps. Parce que Monika, ironiquement, déteste les artifices féminins : les UV, le gloss. Elle ne supporte pas les femmes qui trichent. Pourtant, elle aime s’inventer d’autres origines que celles de sa Pologne natale. Elle fantasme sur le « k » de son prénom et se rêve suédoise. Le récit passe alors rapidement de la succession de courtes scènes à une sorte de court roman poétique sur l’enfance de Monika. Flash back rural. Le coin n’est pas très animé. Monika et sa sœur Else ne croisent presque personne à part une voisine qui les fascine. Elles observent minutieusement toute partie visible de son corps. Et comprennent que la beauté n’est pas quelque chose qui s’explique, mais qu’il doit y avoir une émotion qui en résulte. Et ce sentiment qu’elles ne peuvent pas encore définir est tout simplement le désir. Et c’est ce dont Adèle va parler à Monika. Cette vieille dame, autre cliente de l’institut, est la seule qui évoque le corps comme instrument de plaisir. Corps aimant/ corps souffrant La finesse du texte réside dans le fait de pouvoir tour à tour évoquer le corps sexuel, puis le corps malade. Et ce corps-là, c’est celui de la mère de Monika. Fabienne Jacob évoque avec beaucoup de justesse le moment où le toucher se substitue à la parole à travers une scène bouleversante lors de laquelle Monika lave sa mère. Le corps de la mère a été sorti de la chambre et il est désormais exposé en bas, sous les regards de la famille. Et en effet, dans ces moments-là, comment préserver ce qu’on a de plus intime? Fabienne Jacob n’apporte évidemment pas de réponse, mais elle pose les bonnes questions. Il pouvait sembler risqué de prendre pour théâtre un institut de beauté. Le motif du corps racontant l’âme – même s’il n’en est pas moins juste – est un peu facile. Mais l’auteur, en esquissant ces portraits de femmes, réussit à parler de solitude, de maternité, de sexe sans jamais le dire vraiment. Tous les personnages ne sont pas traités de la même façon ni sur le même registre. On sent que Fabienne Jacob se désintéresse de certains au profit d’Adèle, principalement. Mais cela n’est-il pas le reflet de la vie ? Les rencontres ne nous marquent pas toutes de la même manière et certaines trajectoires ne nous intéressent pas du tout. Ces irrégularités constituent donc paradoxalement le principal défaut et le charme du roman. Quoi qu’il en soit, à la fin du livre, on se prend à espérer qu’un jour, les personnages de Monika et d’Adèle puissent prendre corps au théâtre ou au cinéma. Corps
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