12 Sep 2010 |
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Pour apprécier À la folle jeunesse, il n’est pas nécessaire de connaître Ann Scott, ni l’histoire de son roman culte, pop et sulfureux, Superstars sorti en 2000, car au-delà de la référence, son nouveau roman est aussi et surtout un très beau roman sur l’introspection
Dès les premières pages, Ann Scott joue avec le lecteur via une entourloupe littéraire qui lui permet de revenir sur les coulisses de l’écriture et du succès indécent de Superstars. Un succès particulier, englobant une part de schizophrénie déstabilisante. Ann Scott en appelle directement à Bret Easton Ellis, maître du cocktail « sexe, drogue, hype et dérives ». Nous sommes dans la narration, mais le fil ténu entre fiction et réalité s’installe : d’un coup de fil, la narratrice demande à l’auteur américain si elle peut emprunter le procédé par lequel il débute Lunar Park, moyen qui lui permet de commencer par parler du succès de Superstars. « Puisse cette pirouette littéraire te délivrer des contraintes de la narration comme elle l’a fait pour moi. Mais n’oublie jamais que les gens croient toujours ce qui est écrit. », fait-elle répondre à Bret Easton Ellis. Les premières pages dévoilent ainsi l’envers du succès de Superstars et les difficultés de l’auteur, coincée par le succès, les fans hystériques, la promo et le dédoublement de soi : « C'était enfin le portrait, le portrait d'une catégorie de jeunes artistes avides de reconnaissance planétaire sur fond de MTV, le tout, il faut bien le reconnaître, noyé dans une débauche de sexe et de drogues en tout genre. Ce livre aurait dû rester un témoignage confidentiel au lieu de la méprise qu'il allait devenir. » Le roman de l’Après À la folle jeunesse est un roman sur l’après. La narratrice se retrouve un 1er janvier, seule avec elle-même et ses souvenirs. Elle remonte alors en arrière, se confie, revenant sur sa vie : enfance, adolescence, rencontres, excès. La vie d’Ann Scott, en somme. Entre intimité et analyse. Elle raconte sa vie de jeune femme Lolita-Pillesque : « Dans les familles aisées, il y a toujours eu des nourrices pour élever les enfants, mais pour ma mère j'ai l'air d'être autre chose, une nièce ou la fille d'une amie qu'elle trouve agréable une demi-heure avant de s'ennuyer. » On est emporté par la vie de cette femme qui a joui de sa beauté désarmante et d’une aisance financière sans que cela puisse compenser les manques affectifs, ceux qui menèrent et mèneront plus d’une Superstars * à se brûler les ailes. La narratrice s’accroche à une jeunesse qui est en train de lui filer entre les doigts. On appelle ça la crise de la quarantaine, et forcément, chez une personnalité comme Ann Scott, elle est bien plus introspective et intense que chez Monsieur Tout-le-monde. Le ton est vif et touchant à la fois. On s’y perdrait presque entre polaroïds d’enfants, souvenirs glanés et défaillance de la mémoire au sujet d’une jeunesse dorée et destroy. Mais l’émotion l’emporte à la découverte de cette douleur de vivre mixée à ces envies foisonnantes d’aller toujours plus loin, trop loin sans doute. C’est l’histoire d’une héroïne vieillissante et qui doit parvenir à gérer l’« après » de cette folle et excessive jeunesse. Un travail difficile pour l’héroïne de ce roman qui dit : « Plus jeune, je me persuadais que je mourrais à 24 ans {...} Maintenant je me dis peut-être à 44 comme Nico. » Que reste-il après la jeunesse, les excès ? Telle est la question de son personnage. Que reste-t-il après un trop gros succès littéraire fondés sur un milieu underground, décadent et branché ? La question de l’auteur. Une double réflexion donc, sur la gestion humaine et personnelle du temps qui passe et des accès de mélancolie que cela engendre. Après, il reste encore Ann Scottt l’écrivain qui, sous couvert d’un écrit estampillé roman, se livre et nous livre une très belle auto-fiction. *Superstars fait référence aux jeunes femmes du roman culte d’Ann Scott, des belles de nuit ultra-lookées et avides de sensations fortes et de débauche. À la folle jeunesse
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