18 Jui 2010 |
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La vie d’artiste, ses espoirs, ses désillusions, ses perfidies : voilà ce qui vous attend si vous décidez de plonger dans la lecture de ces sublimes nouvelles acerbes de l’américaine Valerie Martin... et vous auriez tout intérêt à le faire. Voici donc le dernier opus de Valerie Martin, auteur de Mary Reilly, adapté à l’écran par Stephen Frears et de Maîtresse, roman récompensé par le Prix Orange (le Goncourt anglo-saxon). À travers six histoires, elle traite de la difficulté d’exercer son art, quel qu’il soit. Peintre, comédien, écrivain, professeur ou encore journaliste sont les personnages « désespérés » (au sens de Paula Fox, pas de la série) qui cohabitent tant bien que mal dans ces nouvelles. Ils sont tour à tour confrontés à la précarité induite par leur statut, à l’angoisse de ne plus être capable de créer, au spectacle de l’ascension des autres, à la déception d’en voir certains abandonner. Mais tout l’art de la nouvelliste réside dans le fait d’élargir les portraits de ses personnages et de parvenir à mettre en scène des situations amoureuses ou sociales qui interférent dans ces vies d’artistes. Ainsi, dans Métamorphose, une femme – peintre de son état – vient d’être ménopausée. Et ce changement va engendrer une violente transformation dans la pratique de son art. Le personnage de Période bleue, quant à lui, passe peut-être à côté de l’amour de sa vie car son narcissisme d’artiste le fragilise affectivement. Valerie Martin évoque aussi, non sans ironie, le monde de la littérature à travers les retrouvailles d’un couple plutôt mal assorti dont le génie n’est pas peut-être pas celui qu’on croit. Dans La porte ouverte – mais plutôt étroitement –, le couple de lesbiennes formé par Isabel et Edith se trouve confronté au jugement et à l’exclusion d’une petite communauté d’universitaires du Connecticut. De la période bleue au sévère passage à vide L’auteur rappelle qu’il n’y a pas de justice dans les milieux artistiques. Que le meilleur gagne est un adage qui se dément lentement au fil de ces histoires. Chaque nouvelle permet de pénétrer dans un univers différent, mais fait également écho aux autres à mesure que l’on avance dans la lecture du recueil. L’écriture de Valerie Martin est sans pitié pour ses protagonistes. Son style incisif rappelle celui de Raymond Carver auquel elle emprunte d’ailleurs le titre de l’une de ses nouvelles, Gloriette (cf. Parlez-moi d’amour). Cependant, chaque fin reste ouverte, sans évidence, sans condamnation ni rédemption. À chacun d’imaginer ce qui ne laisse pas un goût amer dans la bouche. Après lecture de ces nouvelles, l’on se dit en tout cas que la création ne rend pas l’individu plus singulier et certainement pas meilleur. Période bleue
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